| 25.10.11 | 14h43 • Mis à jour le 25.10.11 | 15h34
Jusqu’où ira l’affrontement entre la Ville de Paris et les opérateurs de téléphonie mobile ? Les négociations devant aboutir au renouvellement de la charte qui les liait depuis 2003 sont suspendues et la ville menace de démonter les 186 antennes-relais installées sur les bâtiments municipaux (sur les 1 200 présentes sur le territoire communal).
Les protagonistes devaient se retrouver autour de la même table avec des représentants de l’Etat et de la société civile, mardi 25 octobre, à l’occasion d’un comité opérationnel de concertation, né du « Grenelle des ondes ». Au menu : des simulations et des expérimentations in situ de baisse des seuils d’exposition du public aux ondes électromagnétiques émises par les antennes-relais. Les 14e et 15e arrondissements de la capitale participent à cette session de travaux pratiques parmi dix-sept collectivités locales pilotes.
Le dénouement du conflit n’est cependant pas en vue. La mairie de Paris, sansmâcher ses mots, a fait savoir qu’elle « condamne » l’attitude de Bouygues, Orange, SFR et Free, à qui elle reproche leurs « exigences inacceptables » tant en matière de puissance d’émissions des antennes-relais que sur le processus de concertation des élus et des riverains – qui se traduirait par exemple par une « réduction drastique des délais d’instruction », selon la municipalité.
La ville reproche également aux opérateurs de vouloir minorer leurs obligations d’intégration paysagère. Elle déplore « un recul dans le dialogue » sur un sujet qui préoccupe une grande partie de ses concitoyens, « soucieux d’un accès aux technologies de communication, mais aussi très vigilants sur les enjeux sanitaires ».
« Il existe un doute sur ces ondes qui prêtent à tous les fantasmes, observe Mao Péninou (PS), adjoint au maire chargé de la qualité des services publics. La qualité de l’information et la transparence sont donc essentielles dans ce dossier. »
Pour montrer qu’il ne s’agit pas de simples déclarations, la mairie avait annoncé, lundi 17 octobre, qu’elle suspendait toute nouvelle installation sur des sites lui appartenant. Trente-cinq demandes sont ainsi gelées. « Si les opérateurs ne reviennent pas à la raison, prévient Mao Péninou, nous passerons par les tribunaux, même si cela doit prendre un an ou deux. »
La Fédération française des télécoms (FFT) qui regroupe les opérateurs à l’exception de Free, se dit « surprise » par la réaction parisienne. « Nous sommes dans une volonté d’apaisement », assure Jean-Marie Danjou, directeur général délégué du collège « mobile » de la FFT.
Dans un communiqué, celle-ci affirme vouloir que « Paris soit une capitale numérique exemplaire tant par la couverture, la qualité de service et les débits de l’Internet mobile que par ses dispositifs d’information, de concertation, d’attention aux préoccupations de certains riverains. »
Elle annonce son intention de s’attaquer au traitement « des points dits atypiques », où l’exposition peut atteindre 10 à 15 volts par mètre (V/m). Mais ce n’est pas la revendication de la mairie de Paris qui demande qu' »un seuil d’exposition le plus bas possible » soit retenu pour l’ensemble du territoire communal.
En 2003, tenant compte notamment de sa densité de population, les opérateurs avaient accepté de traiter la capitale avec plus d’égards que le reste des communes françaises. La charte qu’ils avaient signée comportait un seuil maximum d’exposition de 2 V/m en moyenne sur vingt-quatre heures, ce qui correspond à 4,5 V/m en émission maximale. La municipalité espérait une nouvelle baisse à l’occasion du renouvellement de cet accord.
Comme d’autres communes, Paris est de plus en plus interpellée par la population qui lui demande de faire éloigner les antennes-relais des écoles maternelles, notamment. Mais les initiatives des élus dans ce sens ont jusqu’à présent été désavouées. Le 30 septembre, devant le Conseil d’Etat, le rapporteur public a ainsi plaidé pour qu’il soit rappelé aux édiles de trois communes (Les Pennes-Mirabeau, Saint-Denis et Bordeaux) que ce pouvoir n’est pas de leur ressort, mais de celui de l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Pour cette dernière, les seuils restent de 41 V/m pour une émission correspondant à la 2G (GSM) et de 61 V/m pour la 3G (dont l’UMTS). Ces valeurs maximales ont été arrêtées en 2002 à partir de recommandations européennes dantant de 1999.
Reste qu’une partie de l’opinion publique exprime une inquiétude grandissante au fur et à mesure que le nombre d’antennes explose (ces installations sont recensées sur cartoradio. fr, le site de l’ANFR). Et l’arrivée de la quatrième génération (4G) va se traduire par un déploiement supplémentaire sur le territoire.
A la veille de délivrer les premières licences pour le très haut débit mobile, le gouvernement s’inquiète du conflit parisien. Le ministre de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, Eric Besson, a pris fait et cause en faveur des opérateurs dès le 18 octobre en fustigeant « la décision unilatérale de la mairie de Paris ». L’intervention n’était pas de nature à apaiser la situation. Elus et associations aimeraient en effet que le gouvernement se saisisse du dossier non pour attiser la querelle mais pour faciliter un compromis.
Martine Valo
SOURCE : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/10/25/la-ville-de-paris-part-en-guerre-contre-les-antennes-relais_1593511_651865.html