Un chercheur anti-OGM traité de « marchand de peur »

rue89_logo.gif   Par Marie Kostrz | Rue89 | 24/11/2010 | 19H39

Un militant Greenpeace installe des pancartes anti-OGM, à Bruxelles le 24 novembre 2008 (Thierry Roge/Reuters).

Accusé d’être un « marchand de peur », le chercheur anti-OGM Gilles-Eric Séralini poursuivait en diffamation l’auteur de ces propos, un professeur de génétique. Compte-rendu d’une audience où deux conceptions de la science et de l’indépendance se sont affrontées.

Scientifiques de renom, « faucheurs volontaires » ou simples citoyens concernés par les OGM, ils étaient nombreux ce mardi devant la 17e chambre du tribunal de grande instance (TGI) de Paris.

Marc Fellous, professeur de génétique et chef de l’unité d’immunogénétique humaine à l’Institut Pasteur, répondait d’une « campagne de dénigrement » à l’encontre de son collègue Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen.

En janvier, Fellous avait écrit à France 5 et au conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour critiquer la présence du chercheur anti-OGM dans « Le Magazine de la santé »(l’émission du 21 janvier est visible sur Youtube) :

« France 5 s’associe à la médiatisation d’un chercheur militant controversé et se fait le porte-parole d’un marchand de peur. »

Une campagne de dénigrement ?

Or, le même Marc Fellous est à la tête de l’Association française de biotechnologie végétale (AFBV), un groupe de chercheurs favorables aux OGM, et donc au cœur d’un conflit d’intérêt majeur aux yeux de Gilles-Eric Séralini.

Premier à être entendu par le TGI, le scientifique caennais en costume s’exprime sur un ton calme mais déterminé. Derrière ces bisbilles entre scientifiques, il voit la volonté de nuire à tout expert qui ose remettre en cause l’innocuité des OGM.

Fondateur du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (Criigen), Gilles-Eric Séralini a notamment publié en 2009 une étude qui démontre la toxicité de trois maïs génétiquement modifiés de marque Monsanto.

Devant le juge, son avocat Bernard Darteville clame :

« C’est absolument incroyable, vous prenez le nom des adhérents [de l’AFBV], et vous vous rendez-compte qu’un certain nombre d’entre eux siègent carrément au conseil d’administration de sociétés d’agrosemence intéressées par les OGM ! »

Furieux, l’avocat énumère alors devant l’assemblée le nom des cotisants à l’AFBV. Parmi eux, beaucoup sont liés à plusieurs grandes entreprises, comme Limagro ou Rhône-Poulenc, première entreprise française à avoir investi dans les OGM.

Du côté de la défense, on souligne le manque de crédit apporté aux travaux de Gilles-Eric Séralini. L’avocat de Marc Fellous, Nicolas Bénoit, rappelle :

« La Commission du génie biomoléculaire, instance gouvernementale, a conclu que son étude n’apportait rien de nouveau au débat sur les OGM. »

Appelés à la barre, plusieurs scientifiques remettent également en cause le mode de calcul que Gilles-Eric Séralini utilise pour réaliser ses travaux.

Interrogée par Rue89, l’ancienne ministre de l’Environnement Corinne Lepage, avocate et membre du Criigen, balaye ces accusations.

Selon elle, attaquer un expert en affirmant que toutes ses études sont dénigrées par ses pairs vise à le décrédibiliser. Il s’agirait de la même stratégie utilisée dans l’affaire de l’amiante ou du Mediator : on ne discute pas du fond, on agresse la personne en disant que c’est un incompétent. (Voir la vidéo)

L’indépendance, un mot dépassé ? 

Lorsque Marc Fellous est interrogé par le TGI, le débat se resserre autour de la nature de l’Association française de biotechnologie végétale (AFBV). Le juge s’interroge :

« Dans les lettres que vous avez rédigées, comment pouvez-vous présenter votre association comme strictement indépendante si vos membres sont liés au secteur de l’agrosemence ? »

Dans la salle, les supporters de Gilles-Eric Séralini s’esclaffent, ironiques. La réponse de Marc Fellous va les indigner :

« Dans notre jargon d’experts, le mot “indépendant” est un terme qui persiste à être utilisé. Mais on devrait plus parler de transparence que d’indépendance. Ce mot est dépassé car nous sommes tous concernés par le financement des industriels. »

Il n’est pas le seul à déclencher l’ire des citoyens anti-OGM présents dans la salle. Bernard Chevassus, vice-président de la Commission du génie biomoléculaire, témoigne en faveur de Marc Fellous :

« Quand une association se déclare indépendante, il appartient aux gens de le vérifier. »

« L’argent de l’industrie n’est pas inutile »

Autre témoin, Jean Lunel, membre de l’Académie des sciences, réfute l’accusation selon laquelle Marc Fellous ait trempé dans un conflit d’intérêts. L’homme sort de la salle d’audience. Il explique à Rue89 :

« Ce n’est pas parce qu’on a des liens avec l’industrie qu’on perd toute indépendance. J’ai passé ma carrière dans l’industrie pharmaceutique, cela ne m’a pas empêché de refuser de réaliser certaines études si cela ne me convenait pas. »

Jean Lunel est soucieux. Avec ces méfiances envers le monde industriel, la France court à sa perte, selon lui :

« L’argent de l’industrie n’est pas inutile : aujourd’hui, nous pouvons effectuer le séquençage du génome des individus pour 1 000 dollars grâce aux recherches que l’industrie a financées pendant des dizaines d’années.

Je souhaiterais qu’il existe beaucoup plus de connexions entre la recherche publique et industrielle. De véritables pépites se trouvent dans nos laboratoires, mais elles partent toutes aux Etats-Unis ou au Canada. Les chercheurs en biotechnologies sont vieux et personne n’est là pour prendre la relève. »

Le jugement est mis en délibéré au 18 janvier.

Photo : un militant Greenpeace installe des pancartes anti-OGM, à Bruxelles le 24 novembre 2008 (Thierry Roge/Reuters).

Source : http://www.rue89.com/planete89/2010/11/24/diffamation-un-chercheur-anti-ogm-traite-de-marchand-de-peur-177559

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Mediator : mortel médicament

LA-D-p-che-copie-1.png    Publié le 17/11/2010 08:30 | Christine Roth-Puyo, Lionel Laparade

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L’actualité vu par le dessinateur de Charlie Hebdo Luz

Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand recommande à tous ceux qui ont pris du Mediator de consulter un médecin. Selon la Caisse nationale d’assurance maladie, 500 personnes au moins ont déjà succombé à l’usage de cette molécule.

Pas le temps de souffler, ni de défaire les cartons. À peine franchi le perron du ministère de la Santé, Xavier Bertrand et Nora Berra, ministre et secrétaire d’État nouvellement nommés, ont eu à gérer la première crise sanitaire de leur ministère. Et pas des moindres. « Nous adressons un message à tous ceux qui ont pris du Mediator : ils doivent prendre contact et consulter un médecin traitant. Ce message s’adresse tout particulièrement à ceux qui en ont pris pendant trois mois au cours des quatre dernières années » a précisé Xavier Bertrand.

Décelé par l’Association française des diabétiques il y a deux ans et clairement mis au jour par la pneumologue brestoise Irène Frachon en juin dernier dans son livre « Mediator 150 mg. Combien de morts ? », le scandale explose aujourd’hui au grand jour. À la fois antidiabétique et utilisé comme coupe-faim par les personnes en surpoids, le Mediator a été mis sur le marché par le laboratoire Servier en 1975. Selon la Cnam, il serait depuis à l’origine de 500 à 1 000 décès et d’au moins 3 500 hospitalisations pour cardiopathie valvulaire. Il a été utilisé au total par 5 millions de patients, dont 2,9 millions pendant plus de 3 mois. « Quand le médicament a été retiré, fin 2009, 300 000 personnes en prenaient encore tous les jours et aucune d’entre elles n’a été informée des raisons de ce retrait », déplore Irène Frachon.

L’Agence française des médicaments (Afssaps) a mis du temps à réagir. Pourtant, l’interdiction du Mediator aux USA en 1997 suivis par l’Espagne et l’Italie en 2005 aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Plus encore, le retrait du marché dès 1997 d’un médicament du même type, l’Isoméride, aurait dû lui ouvrir les yeux – la molécule a déjà valu à Servier plusieurs condamnations en justice pour des graves problèmes cardiaques après traitement. Dans son édition d’hier, Libération se demandait d’ailleurs s’il fallait noter qu’alors, le directeur scientifique de Servier était aussi trésorier de la Société française de pharmacovigilance et de thérapeutique…

L’Assurance Maladie doit désormais rappeler chacun des patients. Et Xavier Bertrand a indiqué qu’il allait confier « une mission à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) pour élaborer des recommandations afin de développer des études post-autorisation de mise sur le marché (post-AMM) ». Et peut-être trouver là le chaînon manquant entre les considérations qui président au profit et celles qui guident la pharmacovigilance.

Christine Roth-Puyo


Le chiffre : 5 millions

utilisateurs > Depuis 1975. Depuis sa mise sur le marché en voilà 35 ans, le Mediator a été utilisé par 5 millions de patients dont 2,9 millions pendant plus de 3 mois.


La phrase

« Certains signes, essoufflement à l’effort, œdème des membres inférieurs, fatigue inexpliquée…, pouvant évoquer une atteinte des valves cardiaques, doivent amener à consulter rapidement. » L’Agence française de sécurité sanitaire


Servier : «Des hypothèses…»

Le laboratoire Servier a contesté hier les chiffres avancés par les autorités sanitaires en estimant qu’il s’agissait d’»hypothèses fondées sur des extrapolations. « Si on rapporte le nombre de 500 décès au nombre de patients qui ont pris le Mediator sur 33 ans, on arrive à un risque de 0,005%», a fait valoir un porte-parole du laboratoire. «Mais en termes d’image de marque, c’est déplaisant», a-t-il reconnu, indiquant que Servier faisait l’objet de quatre plaintes liées au Mediator depuis son retrait.

Créé en 1954 à partir d’un laboratoire pharmaceutique racheté pour «trois fois rien» à Orléans, la «maison» Servier appartient à Jacques Servier, 88 ans. Selon le magazine Challenges, il serait la 9e fortune professionnelle de France.


décryptage

Les raisons d’un scandale sanitaire

Après l’Isoméride, le Distilbène ou encore le Vioxx (lire ci-contre), l’affaire du Mediator confirme, hélas ! que depuis la découverte des premiers scandales, la France n’est toujours pas parvenue à installer une structure efficace et indépendante de contrôle et de sécurité sanitaires. C’est en tout cas l’avis de Gérard Bapt, député PS de Haute-Garonne, cardiologue et rapporteur de la mission santé de l’Assemblée nationale, qui exige aujourd’hui une réforme de l’Afssaps, « organisation opaque et vulnérable aux conflits d’intérêts », juge sévèrement le parlementaire.

Pour Gérard Bapt, l’affaire du Mediator constitue une parfaite illustration des défaillances de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Des expertises discutables. L’Afssaps délivre ses autorisations de commercialisation des médicaments sur la base d’expertises fournies par les laboratoires qui les ont produits. « Le régulateur public devrait conduire des études contradictoires », suggère le député.

Une structure « autiste ». En 1997, l’Isoméride, médicament « souche » du Mediator, est interdit aux Etats-Unis. Là-bas, les deux laboratoires qui ont racheté le brevet à Servier sont l’objet de poursuites collectives et condamnés à payer un milliard de $. En Europe, la molécule est légèrement modifiée, rebaptisée Mediator et commercialisée en France jusqu’en 2009, alors que l’Espagne et l’Italie l’ont interdite dès 2005 et que la même année, la revue médicale « Prescrire » recommande son retrait. « La longévité du médicament dans l’Hexagone, où il a pourtant été proposé au déremboursement dès 1999, au vu de son peu d’intérêt thérapeutique, s’explique-t-elle par l’origine française du laboratoire Servier ? », feint de s’interroger le député de Haute-Garonne.

Des experts sous influence. « Lorsque le dossier Mediator arrive à la table de la commission de mise sur le marché de l’Afssaps, l’un des experts est le mari d’une responsable de service chez Servier. Il est établi que le laboratoire était destinataire des mails qu’échangeaient les membres de la commission », s’indigne Gérard Bapt, qui a demandé la démission de son président cet été. « A ce jour, il occupe toujours son poste et compte, depuis le 6 novembre, au nombre des récipiendaires de la Légion d’Honneur », observe l’élu qui, en l’état de l’Afssaps, ne serait pas étonné de voir surgir de nouveaux scandales sanitaires…

Lionel Laparade


Servier : «Des hypothèses…»

Le laboratoire Servier a contesté hier les chiffres avancés par les autorités sanitaires en estimant qu’il s’agissait d’»hypothèses fondées sur des extrapolations. « Si on rapporte le nombre de 500 décès au nombre de patients qui ont pris le Mediator sur 33 ans, on arrive à un risque de 0,005%», a fait valoir un porte-parole du laboratoire. «Mais en termes d’image de marque, c’est déplaisant», a-t-il reconnu, indiquant que Servier faisait l’objet de quatre plaintes liées au Mediator depuis son retrait.

Créé en 1954 à partir d’un laboratoire pharmaceutique racheté pour «trois fois rien» à Orléans, la «maison» Servier appartient à Jacques Servier, 88 ans. Selon le magazine Challenges, il serait la 9e fortune professionnelle de France.


interview

«Le temps des explications est venu»

Gérard Raymond, président de l’Association française des diabétiques.

Êtes-vous surpris par les révélations sur le Mediator ?

Pas vraiment. Ce médicament est utilisé depuis 1976 par les personnes diabétiques qui connaissent ce produit et son histoire jalonnée de polémiques. Pour le grand public, il s’agit certainement d’une découverte, mais les diabétiques savent depuis des années que le Mediator peut produire des effets secondaires graves. D’ailleurs, lorsque le produit a été retiré du marché en 2009, nous avons été soulagés. Aujourd’hui, le temps des explications est venu.

A quoi vous attendez-vous ?

La communauté que je représente n’a pas l’intention de hurler avec les loups. Nous demandons à l’Afssaps de prendre ses responsabilités, tout comme au laboratoire Servier ainsi qu’aux prescripteurs qui ne pouvaient pas ignorer le risque d’atteinte des valves cardiaques auquel pouvaient être exposés les consommateurs de Mediator. Je rappelle que depuis les années 2000, le recours à cette molécule était devenu marginal parmi les personnes malades du diabète qui se sont tournées, alors, vers des stratégies médicamenteuses plus efficaces. Pendant une trentaine d’années, les diabétiques ont été traités par Mediator sans constater de réelles améliorations de leur état de santé. Et lorsque les malades du diabète s’en sont détournés, le Mediator a, disons, été recyclé à d’autres fins : l’amaigrissement.

On sait que les effets secondaires du Mediator peuvent se manifester plusieurs années après la fin du traitement. Sentez-vous les malades du diabète inquiets ?

La communauté que je représente a toujours été sensibilisée aux risques du Mediator et à ses effets secondaires. Aujourd’hui comme hier, nous recommandons aux personnes inquiètes de consulter leur médecin et de solliciter un check-up cardiaque.

Recueilli par L.L.


« En l’espace de trois mois, j’ai perdu 40 kilos »

Les témoignages glanés sur la toile sont confondants. Certains remontent à 2006 et renvoient au grand marché organisé sur le Net. À ses risques et périls ? Éléments d’appréciation.

15 juillet 2009. Colplay sur aufeminin.com. « Salut les filles. Serait-il possible que l’une de vous me procure un médicament Mediator, car j’en ai vraiment besoin pour perdre du poids. Il s’avère que celui-ci a un effet très efficace mais il me semble qu’il n’est délivré que sur ordonnance. Il reste donc inaccessible pour moi. Je règle bien sûr la somme intégrale à qui me fournira. »

30 janvier 2010. Momone 142. « Ce médicament vient d’être retiré de la vente et surtout interdit. J’en prenais depuis 10 ans, il m’avait été prescrit contre le sucre et les triglycérides. Il ne m’a jamais fait maigrir. Par contre j’ai arrêté puisqu’on ne le fait plus, je suis en sevrage, c’est terrible à supporter. Regardez ce que veut dire le benfluorex (100/100 médiator) c’est de l’amphétamine. ça veut dire que pendant 10 ans j’ai été droguée par un médicament apparemment inoffensif. »

16 novembre 2010. Yvan Bakaric a pris pendant deux ans du Mediator. « J’étais tellement maigre et pâle que les gens que je connais ne me reconnaissaient pas dans la rue. J’étais certain que j’allais y passer, j’avais préparé mon costume noir comme ça si ça arrivait, ma famille n’aurait pas de souci », témoigne à l’AFP ce retraité du bâtiment âgé de 70 ans. Yvan Bakaric s’est vu prescrire du Mediator en 2006 pour soigner son diabète, avec trois comprimés par jour. Mais deux ans plus tard, il commence brusquement à perdre l’appétit et à maigrir, de manière « considérable ». « En l’espace de trois mois, j’ai perdu 40 kilos ».


Les précédents

Août 2001. Bayer retire brutalement du marché son médicament leader, une statine anti-cholestérol. Il est utilisé dans le traitement de l’hypercholestérolémie. Raison invoquée : la mort aux États-Unis de 52 malades traités par l’association Cérivastatine- gemfibrozil (Lipur) à dose double ou triple de celle de la France.

30 septembre 2004, retrait du Vioxx. Au vu d’une de ses études démontrant que les patients utilisant cette molécule couraient deux fois plus de risques de crise cardiovasculaire au bout de 18 mois, Merck retire le Vioxx de la circulation. Cette molécule aurait provoqué 28 000 infarctus aux USA.

Fin 2004, la crise. À la suite du Vioxx, cinq autres grands médicaments sont mis en accusation : l’anti-cholestérol Crestor d’AstraZeneca (problèmes de reins et affections musculaires), l’anti-acnéique Roaccutane de Roche, l’anti-asmathique Serevent de GlaxoSmithKline, le Bextra (anti inflammatoire) de Pfizer.

Contrefaçon. Il serait faux de croire que la contrefaçon des médicaments revient aux seuls pays en voie de développement. 30 % des contrefaçons alimentent l’Europe.

Source : http://www.ladepeche.fr/article/2010/11/17/949992-Mediator-mortel-medicament.html

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Alerte au Mediator : pourquoi l’Afssaps réagit-elle si tard ?

rue89_logo-copie-1.gif  Par Marie Kostrz | Rue89 | 16/11/2010 | 23H19

Le Mediator, médicament antidiabétique commercialisé depuis 1976 et utilisé comme coupe-faim, aurait entraîné la mort de 500 patients selon les autorités sanitaires. Pourquoi une telle lenteur dans leur réaction ?

Un an après avoir interdit la commercialisation du Mediator, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a annoncé qu’il pourrait être mortel. Quelque 3 500 personnes auraient été hospitalisées pour valvulopathie, une maladie entraînant des lésions des valves cardiaques et 500 personnes seraient décédées à cause de ce médicament.

Le périmètre exact des victimes ne sera pas simple à établir, comme le précise Charles Joseph-Oudin, avocat de douze victimes du Mediator, joint par Rue89 :

« Certains patients ont du être opérés à cœur ouvert et auront des séquelles toute leur vie. De plus, il faut que les patients récupèrent toutes les pièces de leur dossier médical pour prouver le lien entre leur maladie et le médicament, ce qui est très laborieux. »

Xavier Bertrand, ministre de la Santé, a encouragé les utilisateurs de Mediator à consulter leur généraliste. (Voir la vidéo)

"Médiator, 150 mg, combien de morts ?" d'Irène Frachon.L’annonce par l’Afssaps n’étonne pas le docteur Irène Frachon, auteure de « Médiator, 150 mg, combien de morts ? ». Pneumologue au CHU de Brest, cela fait plusieurs années qu’elle s’évertue à dénoncer la dangerosité du médicament :

« Commercialisé depuis 1976, le Mediator, composé de la molécule benfuroex, présente la même particularité que l’Isoméride, un coupe-faim conçu par les laboratoires Servier et interdit en France depuis 1997.

C’est une substance qui, une fois ingérée, se transforme en un poison redoutable, la norfenfluramine, entraînant des troubles cardio-vasculaires graves. »

« Combien de morts ? », sous-titre censuré en librairie

Il aura fallu du temps pour que la mise en garde d’Irène Frachon soit prise au sérieux : en juin, le tribunal de Brest l’avait ainsi condamnée à supprimer le sous-titre « Combien de morts ? » de son ouvrage. Le laboratoire Servier, qui avait intenté le procès, niait que son médicament soit mortel.

Pourtant, en 1998, l’Afssaps a mis en place un suivi de pharmacovigilance. Selon le gendarme sanitaire, il était en effet impossible d’ignorer que l’existence d’un point commun entre l’Isoméride et le Médiator, la norfenfluramine, puisse potentiellement entraîner des risques de lésions cardio-vasculaires :

« On ne pouvait exclure, malgré les différences de classe thérapeutique et de mécanisme d’action principal, que la présence d’un métabolite commun avec les anorexigènes retirés du marché puisse être à l’origine de risques de lésions cardio-vasculaires analogues à celles qui avaient été détectées pour les anorexigènes en 1997 aux Etats-Unis. »

Des habitudes différentes en France et aux Etats-Unis ?

L’Agence ne suspend pas la commercialisation du produit pour autant. Il faudra attendre douze ans pour que l’Afssaps interdise la vente du Mediator. Fabienne Bartoli, adjointe au directeur général de l’Afssaps, interrogée par Rue89, réfute toute accusation de négligence :

« L’Isoméride a été retiré du marché car il entraînait des risques cardio-vasculaires. C’est à ce titre que nous avons déclenché un suivi de pharmacovigilance. Or, les cas d’hypertension liés au Mediator ont été très peu nombreux. Nous n’avions donc pas de raisons de le retirer du marché.

De plus, nous n’avons pas surveillé les cas de valvulopathie pouvant être liés au Mediator dans les années 90. En effet, les cas répertoriés aux Etats-Unis étaient causés par la consommation simultanée d’Isoméride et de Phentermine, un autre médicament. Comme ce n’était pas une habitude des Français, nous n’avions pas de raisons de penser que de tels cas puissent apparaître en France. »

Un député a mené l’enquête

Le premier cas de valvulopathie a été répertorié en France en 2006. A ce moment-là, l’Afssaps déclare avoir inspecté des études complémentaires, qui ont débouché sur l’interdiction du Mediator en 2009.

Engagé depuis longtemps sur ce sujet, Gérard Bapt, député PS de Haute-Garonne et cardiologue, dénonce le manque de réaction des autorités sanitaires. Selon lui, il y a eu une négligence évidente de l’Afssaps. Dans une lettre adressée à l’ordre des pharmaciens en septembre, il alertait sur les propos contradictoires tenus par les laboratoire Sevier sur la nature de Médiator :

« Le 7 avril 2008, monsieur Pierre Schiavi, directeur scientifique de Servier, affirmait que “le Médiator se distinguait radicalement des fenfluramines tant en termes de structure chimique et de voies métaboliques que de profil d’efficacité et de tolérance”.

En 1970, ce sont pourtant deux chercheurs de Servier, à l’occasion d’un congrès, qui avaient intégré le Benfluorex comme membre de la famille des fenfluramines. »

L’Afssaps aurait du remarquer ce changement de discours, estime-t-il.

Dès 2007, le guide pratique des médicaments Dorosz classe également le Médiator parmi les substances dérivés de la fenfluramine, responsable d’effets indésirables cardiovasculaires graves. Laurent Sorcolle, conseiller en communication chez Sarier, se retranche derrière les demi-mots de l’Afssaps :

« Les chiffres avancés par l’Afssaps sont une extrapolation à partir de groupes tests de patients examinés depuis 2006. On ne peut être sûr de rien, l’Afssaps a d’ailleurs utilisé le conditionnel pour parler du nombre de décès provoqués par le Mediator. »

Source : http://www.rue89.com/2010/11/16/alerte-au-mediator-pourquoi-lafssaps-reagit-elle-si-tard-176282

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Mediator, coupe-faim dangereux et longtemps toléré

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Par ERIC FAVEREAU

Deux études ont confirmé, hier, que le médicament a tué plus de 500 personnes.

On pouvait imaginer qu’après l’affaire du sang contaminé, puis celle de l’hormone de croissance, et surtout avec la création des agences de sécurité sanitaire, les pouvoirs publics s’étaient donné les moyens de répondre efficacement aux dangers éventuels de certains médicaments ou pratiques médicales.

Patatras. Voilà qu’une nouvelle affaire leur explose à la figure : celle du Médiator, médicament coupe-faim produit par le laboratoire français Servier. Non seulement ce produit était inefficace, mais il se révèle dangereux. Hier, lors d’une réunion de la commission nationale de pharmacovigilance, deux études – l’une élaborée par la Cnam et l’autre par l’épidémiologiste Catherine Hill – confirment les premiers travaux qu’avait révélés le Figaro le mois dernier. Le Médiator serait bel et bien responsable de la mort de 500 à 1 000 patients. Et ce matin, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), fortement mise en cause dans la gestion de ce dossier, va annoncer une série de mesures, dont une campagne d’information pour rechercher tous les patients qui ont pu prendre ce qui ne devait être qu’un médicament de confort.

Hypertension.«Cette affaire est gravissime, explique le député socialiste Gérard Bapt, responsable de la mission santé sur l’assurance maladie. Non seulement elle met en cause gravement le laboratoire Servier, mais aussi l’Afssaps.» Réponse, hier, de Jean Marimbert, directeur de l’Afssaps : «Il est facile de réécrire l’histoire. Peut-être n’avons-nous pas été assez rapides, mais on ne pouvait inventer des données que l’on n’avait pas.» Certes… Mais il n’y a qu’en France qu’une telle catastrophe a eu lieu.

Reprenons. Jusque dans les années 1990, les laboratoires Servier étaient leader sur le marché des coupe-faim, type anorexigène (provoquant une anorexie momentanée), avec deux produits : l’Isoméride puis le Médiator. Rapidement, le premier se montre dangereux, provoquant, entre autres, de l’hypertension pulmonaire artérielle (HTPA). En France, il sera interdit, non sans mal, en 1997. Et le Médiator ? Il continue, du moins dans l’Hexagone, son petit bonhomme de chemin. De formulation chimique légèrement différente de l’Isoméride, il est proche de la famille des fenfluramines. On sait que le risque de HTPA peut exister, comme l’atteinte des valves cardiaques. Mais qu’importe, on continue. En 1999, la commission de transparence rend son avis. Service médical rendu du Médiator ? «Insuffisant.» Ce n’est pas grave, on continue, et on le rembourse à 65%. Il est normalement réservé aux diabétiques en surpoids.

Plaintes. En février 1999, un médecin, le Dr Chiche, fait une première déclaration d’insuffisance aortique chez un patient ayant reçu du Médiator. On continue. Alors que de nombreux pays, dont les Etats-Unis, retirent ce produit, les laboratoires Servier se démènent pour dire que le Médiator n’a rien à voir avec l’Isoméride. Plus de 300 000 patients en reçoivent chaque année. Pour un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros.

Bien souvent, ce sont des généralistes qui en prescrivent, mano largo, en dehors des recommandations cliniques. Mais on laisse faire. Faut-il noter qu’alors, le directeur scientifique de Servier est aussi trésorier de la Société française de pharmacovigilance et de thérapeutique ?

Il faudra attendre 2009 pour que les choses changent, quand une pneumologue hospitalière de Brest, le Dr Irène Frachon, est étonnée par des patients qu’elle reçoit. «Rétrospectivement, c’était comme le nez sur la figure, et pourtant on ne le voyait pas», raconte-t-elle. En juillet 2009, une étude brestoise, faite sans moyens, tombe : «70% des malades souffrant d’atteintes inexpliquées de leur valve mitrale ont été exposés à une prise de Médiator.» En novembre 2009, l’Afssaps se décide à suspendre le Médiator. Comment justifier pareille lenteur ? «Nous n’avions, jusqu’à la fin 2008, qu’un seul cas confirmé de la valvulopathie cardiaque», se défend Jean Marimbert. «Et je ne pouvais pas prendre une décision sur ce seul cas. Mais c’est vrai, il nous a manqué des éléments de surveillance épidémiologique pour croiser les données.»

Une dizaine de plaintes ont été déposées. On attend la réaction de la nouvelle secrétaire d’Etat à la Santé, Nora Berra, qui a été pendant dix ans salariée de l’industrie pharmaceutique.

Source : http://www.liberation.fr/societe/01012302450-mediator-coupe-faim-dangereux-et-longtemps-tolere

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Alex TÜRK: La CNIL dénonce Big Brother / Conférence à l’AN sur LCP c’est Ahurissant!

MEDIAPART  30 Août 2010 Par Jean REX


Sur le Site Officiel LeLibrePenseur

 

  Une vidéo ahurissante du président de la CNIL, Alex TÜRK, qui alerte fermement les pouvoirs publics contre les dangers réels d’internet et  des entreprises qui détiennent les informations personnelles des internautes. Les risques de big-brotherisation sont réels et concrets : Réseaux sociaux, nanotechnologies, RFID, profilage économique… etc. Tout y passe !

Ce que l’on dénonce depuis des années en se faisant traiter de fous paranoïaques est devenu maintenant réalité mais hélas trop tard… Les déclarations sont maintenant officielles et passent sur la chaîne parlementaire mais y a-t-il seulement des oreilles pour entendre ou des cerveaux pour réfléchir ?!

 


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COMMUNIQUE DE PRESSE : Les Antilles françaises : le rapport Belpomme confirmé

ARTAC LE 22 JUIN 2010

Un article publié le 21 juin 2010 dans le Journal of clinical oncology, rapportant les résultats d’une étude épidémiologique réalisée en Guadeloupe – l’étude Karuprostate [1] – confirme enfin sans ambigüité ce qu’avait énoncé dès 2007 le Pr. D. Belpomme dans son fameux rapport [2] qui à l’époque avait été fortement critiqué, à savoir que les pesticides organochlorés dont le chlordécone sont une cause majeure des cancers de la prostate observés dans les Antilles Française. L’étude Karuprostate confirme donc non seulement le bien fondé du « rapport Belpomme » mais aussi les travaux de biologie et d’écotoxicologie réalisés par l’ARTAC concernant les cancers de la prostate [3] en particulier en Martinique [4].
Il est donc mis fin à une contestation politique dérisoire ayant tenté de discréditer le Pr. Belpomme en tant que médecin et scientifique et ayant visé à étouffer une affaire beaucoup plus sérieuse que celle du sang contaminé, puisqu’elle concerne de prés ou de loin environ un million d’antillais. En effet, l’affaire est d’autant plus grave que selon les travaux de l’ARTAC, les pesticides CMR (cancérigènes, mutagènes et/ou toxiques pour la reproduction) ou présumés CMR peuvent rendre compte de l’augmentation d’incidence non seulement des cancers de la prostate, mais aussi des cancers du sein, en raison d’un mécanisme commun de perturbation endocrinienne [5].
La science est coercitive, on ne peut se masquer les yeux et continuer à faire une politique de l’autruche bradant la santé publique et le bien être de nos concitoyens, en permettant la poursuite de l’utilisation en grande quantité de pesticides CMR, qu’ils soient organochlorés ou non, dans notre pays, et a fortiori dans des îles aux ressources en eau douce et terre arable limitées.
[1] Multigner L., Rodrigue Ndong J., Giustiet A. et al. Chlordecone Exposure and Risk of Prostate Cancer. J. Clin. Oncol. 2010. DOI: 10.1200/JCO.2009.27.2153.
[2] Belpomme D. Rapport d’expertise et d’audit externe concernant la pollution par les pesticides en Martinique. Conséquences agrobiologiques, alimentaires et sanitaires et proposition d’un plan de sauvegarde en cinq points.
Disponible à l’adresse suivante : http://www.artac.info/images/telechargement/Rapport%20Martinique.pdf
[3] Belpomme D, Irigaray P, Ossondo M, Vacque D, Martin M. Prostate cancer as an environmental disease: an ecological study in the French Caribbean islands, Martinique and Guadeloupe. Int J Oncol. 2009 Apr;34(4):1037-1044.
Belpomme D, Irigaray P, Landau-Ossondo M, Martin M. The growing incidence of prostate cancer in the French Caribbean islands, Martinique and Guadeloupe: A possible causal role of pesticides. Int J Oncol. 2009 Aug;35(2):433.
[4] Belpomme D, Irigaray P. Re: Prostate Cancer Diagnosis and Treatment After the Introduction of Prostate-Specific Antigen Screening: 1986-2005. JNCI Journal of the National Cancer Institute. 2010 April; 102(7): 506-507.
[5] Landau-Ossondo M, Rabia N, Jos-Pelage J, Marquet LM, Isidore Y, Saint-Aimé C, Martin M, Irigaray P, Belpomme D.Why pesticides could be a common cause of prostate and breast cancers in the French Caribbean Island, Martinique. An overview on key mechanisms of pesticide-induced cancer. Biomed Pharmacother. 2009. Jul;63(6):383-395.

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Nanotechnologies : « Eviter que l’histoire de l’amiante ne se répète »

BASTA !

Par Agnès Rousseaux (25 mai 2010)

En France, plusieurs milliers de salariés, dans l’industrie ou la recherche, sont exposés aux nanoparticules. Sont-ils suffisamment protégés et informés ? La médecine du travail peut-elle dépister d’éventuelles pathologies pulmonaires ou cancers liés aux nanomatériaux ? Il faut se rendre en Suisse pour le savoir : la Suva, première caisse d’assurance pour les travailleurs suisses, a publié des recommandations sur la manipulation des nanoparticules. Entretien avec le docteur Marcel Jost, chef de la division

Médecine du travail.

Plusieurs milliers de salariés français pourraient être directement concernés, en particulier dans la chimie, l’industrie automobile, la sidérurgie ou le ciment : « Selon l’état actuel des connaissances, on ne peut pas exclure que certains nanomatériaux présentent un risque pour la santé », prévient la médecine du travail suisse. Des spécialistes y étudient depuis cinq ans l’évolution des nanotechnologies et leurs possibles effets sur la santé des salariés qui les manipulent. Basta ! a interviewé en exclusivité les médecins du plus important organisme d’assurance-accidents obligatoire du pays : la Suva [1] assure près de 110.000 entreprises, soit 2 millions d’actifs en Suisse. Cette entreprise indépendante assume entre autres les tâches de médecine du travail, de prévention et de médecine des assurances. Son conseil d’administration est composé de représentants des employeurs et des salariés, ainsi que du gouvernement helvétique.

C’est le docteur Marcel Jost, Médecin-chef de la division Médecine du travail de la Suva, qui a répondu à notre interview, avec le concours du Dr Claudia Pletscher, cheffe du secteur Prévention en médecine du travail, et du Dr Marc Truffer, directeur de la division Sécurité au travail pour la Suisse romande.

Basta ! : Depuis combien de temps la médecine du travail suisse s’intéresse-t-elle aux nanotechnologies et quels sont les risques potentiels ?

Dr Marcel Jost [2] : Les nanoparticules et les particules ultrafines sont absorbées avant tout par les voies respiratoires. Elles peuvent être à l’origine de réactions inflammatoires. Les nanotubes de carbone ont une structure similaire à celle des poussières fibreuses telles que l’amiante. Plusieurs études expérimentales conduites chez l’animal ont été publiées : elles montrent que ces nanotubes de carbone ont un effet cancérigène, pour autant que la géométrie et la taille de leurs fibres leur permettent de pénétrer dans les poumons [3] et que ces fibres soient biopersistantes. Depuis 5 ans, la division médecine du travail de la Suva suit étroitement l’évolution des nanotechnologies et la littérature dans ce domaine. Dans les pays environnants, les responsables de la médecine du travail suivent également de près cette évolution.

Une entreprise qui utilise des nanoparticules est-elle obligée de le déclarer ? Peut-on savoir combien de salariés sont concernés par cette exposition ?

Il n’y a pas d’obligation pour les entreprises de déclarer l’utilisation de nanoparticules, en Suisse. Afin de déterminer le nombre de travailleurs susceptibles d’être exposés aux nanoparticules, la Suva a cofinancé une étude scientifique de l’Institut universitaire romand de Santé au Travail (IST). C’est une première mondiale. Ce nano-inventaire se fonde sur une enquête représentative réalisée auprès d’un échantillon de 1626 entreprises [4]. Les résultats montrent qu’en Suisse, 1.300 travailleurs réalisent des opérations mettant eu œuvre des nanoparticules [5]. Cela concerne 600 entreprises (soit environ 0,6%) du secteur industriel.

Dans quels secteurs les nanotechnologies sont-elles présentes ?

La plupart de ces entreprises se trouvent dans l’industrie chimique, mais aussi dans les secteurs du commerce en général, de l’électrotechnique, des équipementiers de l’industrie automobile, du traitement de surfaces ou du traitement de pierres, céramique et verre. Les volumes travaillés de nanoparticules sont généralement faibles. En Suisse, il n’y a que peu d’entreprises qui utilisent les nanoparticules en grande quantité, à l’échelle de la tonne.

Quels sont aujourd’hui les principaux procédés de production de nanoparticules, et comment les travailleurs peuvent-ils être exposés à ces nanoparticules ?

Les nanoparticules sont généralement produites par des processus de combustion puis de condensation de matière. Sous forme de poudre, ces particules sont utilisées depuis des années comme additif dans des formulations et pour des revêtements de surface. Les situations dangereuses se rencontrent majoritairement lors de la manipulation de ces poudres. Il s’agit principalement de l’exposition des voies respiratoires à des nanoparticules dispersées dans l’air ambiant autour du poste de travail.

Comment mesure-t-on la présence de nanoparticules ? Peut-on évaluer l’exposition des travailleurs aux nanoparticules et avoir une vision fiable des risques encourus ?

Des appareils de mesures complexes sont nécessaires pour évaluer le niveau d’exposition des travailleurs et contrôler l’efficacité des mesures de protection. Les appareils utilisés jusqu’ici – type « Scanning Mobility Particle Sizer » (SMPS) – étaient volumineux, énergivores et peu conviviaux pour une utilisation mobile aux postes de travail. Un nouvel appareil de mesure a été mis au point avec l’aide de la Suva [6]. Il peut être transporté dans un sac à dos et permet de fournir, pour la première fois, des valeurs d’exposition individuelle à chaque poste de travail. Sa fiabilité est largement suffisante pour évaluer les risques d’exposition pour le travailleur, qui varient parfois d’un facteur 1000 entre deux postes de travail.

Établir des valeurs limites d’exposition pour les nanoparticules synthétiques est difficile. Il existe de très nombreux types de nanoparticules présentant des toxicités diverses et encore peu connues. L’effet des nanoparticules peut varier considérablement, en fonction de leurs tailles en plus de leurs propriétés physico-chimiques. Les études réalisées à ce jour ne permettent pas de définir de relations dose-effet claires pour les nanoparticules. L’objectif de la Suva est de publier des chiffres de référence pour certaines nanoparticules en 2011. Aucune valeur limite n’a encore été publiée à l’échelle internationale [7].

Quelles sont les mesures de protection existantes pour les travailleurs ?

Sur le plan de la protection des travailleurs, notre nano-inventaire montre que les entreprises ont tendance à se concentrer sur les équipements de protection individuelle des travailleurs. L’expérience montre que des mesures techniques, telles que le confinement et l’aspiration à la source, permettent d’obtenir une protection plus efficace et durable. Notre objectif est donc de « mettre des masques aux machines » et non aux travailleurs ! En 2006, la Suva était l’un des premiers assureurs contre les accidents et maladies professionnels en Europe à publier des recommandations concrètes sur l’exposition aux nanoparticules aux postes de travail. Aujourd’hui, l’Institution italienne pour l’assurance contre les accidents du travail (INAIL) a repris les différents documents de notre site internet.

Les lacunes d’information sur les produits utilisés constituent un autre problème. Certaines entreprises utilisent des nanoparticules sans même en avoir conscience. Même si la situation est plutôt rare, il faudrait légiférer sur ce sujet. Un « devoir de déclaration » est évoqué dans le plan d’action national développé par la Confédération suisse. Une déclaration du producteur est déjà possible sur la fiche de données de sécurité du produit.

Comment s’opère le suivi sanitaire des travailleurs exposés aux nanotechnologies dans le cadre de leur travail ? Ces salariés bénéficient-ils d’un suivi spécifique par les médecins du travail ?

Les médecins du travail de la Suva s’emploient à contrôler les entreprises pour déterminer s’il existe une exposition aux nanoparticules. La Suva a développé en 2009 un programme pour les travailleurs exposés, qui comprend une anamnèse ciblée, un examen clinique, des analyses biologiques, un contrôle de la fonction pulmonaire, un électrocardiogramme ainsi qu’une radiographie cardio-thoracique en alternance. Ces examens s’adressent aux travailleurs exposés aux nanoparticules et aux nanotubes dans le cadre de la recherche, des laboratoires, d’études pilotes et de la production. Mais il n’existe pas à ce jour de test de dépistage spécifique des maladies qui seraient provoquées par des nanoparticules.

Selon votre organisme, « aucune étude pratiquée sur des travailleurs exposés aux nanoparticules et atteints de maladies professionnelles spécifiques n’a encore été publiée à ce jour dans les pays occidentaux ». Pensez-vous que les entreprises et les pouvoirs publics consacrent suffisamment de moyens aux études toxicologiques nécessaires pour améliorer la protection des travailleurs ?

De très nombreux projets de recherche sur les risques des nanoparticules et des nanotubes de carbone sont réalisés et soutenus, tant au niveau national qu’international. La Suva subventionne de tels projets. Elle apporte en outre son soutien au développement de nouveaux instruments de mesure. Ceci étant dit, il faut rappeler que c’est la pratique régulière d‘examens de prévention en médecine du travail et leur exploitation qui représente un instrument essentiel pour la détection précoce des éventuels effets délétères des nanoparticules chez les travailleurs exposés.

Vous évoquez la possibilité de « lésions tardives dues à une exposition aux nanoparticules en l’absence de mesures de protection appropriées ». Risquons-nous un nouveau scandale sanitaire comme celui de l’amiante ?

Compte tenu de la géométrie de leurs fibres et de leur biopersistance, il est possible que les nanotubes de carbone aient des effets similaires à ceux des fibres d’amiante. Mais les enseignements tirés de l‘expérience avec l’amiante ont conduit la Suva à suivre précocement les développements dans le domaine des nanotechnologies. Nous avons défini des mesures de protection pour faire en sorte que l‘exposition aux nanoparticules et aux nanotubes de carbone demeure aussi faible que possible. Les principes ALARA (as low as reasonnably achievable, aussi faible que cela est raisonnablement faisable), bien connus en matière de prévention, de même que la prudence en matière de manipulation des nanoparticules, ont ainsi fait la preuve de leur efficacité. Grâce à cette approche et moyennant une information transparente sur les risques et les mesures de protection à prendre, nous voulons éviter que l’histoire ne se répète.

Les instituts technologiques suisses sont très actifs sur le plan international et mènent de nombreux projets dans les nanotechnologies. Les organismes internationaux donnent également lieu à des échanges concernant la protection des travailleurs. On peut citer les programmes et réseaux internationaux NanoSafe et NanoImpactNet qui se préoccupent activement des aspects de sécurité et de santé. L’ensemble de la communauté internationale a pris conscience de la nécessité d’éviter un effet de non-acceptation dû à des lacunes de communication et d’évaluation des risques, similaire à celui observé avec les OGM. 

N’y a-t-il pas un paradoxe entre les mesures de protection préconisées pour les salariés exposés, et l’absence de protection des consommateurs, qui se retrouvent en contact avec les nanoparticules, voire même en ingèrent dans leur alimentation ?

En matière de protection des salariés, on s’intéresse surtout à l’inhalation des nanoparticules et à leur possible effet délétère sur les voies respiratoires et les poumons. Des effets toxiques systémiques sont aussi possibles après l‘absorption de nanoparticules au niveau des alvéoles et leur passage dans les vaisseaux pulmonaires. Les nanoparticules qui atteignent la peau, via des cosmétiques par exemple, n’agissent pas sur les voies respiratoires. Mais on ignore encore si de telles nanoparticules peuvent être absorbées par une peau intacte en quantités significatives. La réglementation des nanoparticules dans les articles de consommation courante en Suisse ne relève pas de la compétence de la Suva.

Propos recueillis par Agnès Rousseaux

Source :

http://www.bastamag.net/article988.html

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Bitume: Eurovia reconnue coupable

logo france2     Publié le 10/05/2010 | 23:33

Eurovia (filiale du groupe Vinci) a été reconnue coupable de « faute inexcusable » dans la mort d’un ouvrier

La veuve de l'ouvrier du bitume mort en 2008 et son avocat le 10 Mai 2010

La veuve de l’ouvrier du bitume mort en 2008 et son avocat le 10 Mai 2010

AFP/PHILIPPE DESMAZES

Le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Bourg-en-Bresse « a pu trouver que la conjonction de projections, voire d’inhalations, du bitume avec les UV favorisait, soit le risque né des UV, soit le risque né du bitume ».

Eurovia a annoncé qu’elle faisait appel.

L’affaire avait débuté à la suite du décès, le 3 juillet 2008, à 56 ans, de José-Francisco Serrano Andrade, ouvrier spécialisé dans l’épandage du bitume et du macadam sur les routes et autoroutes, atteint d’un cancer de la peau qui s’était déclaré sur le visage.

Lors de l’audience le 12 avril, l’avocat d’Eurovia , Me Franck Dremeaux, avait estimé que la maladie de M. Andrade avait été « provoquée par une exposition excessive au soleil et non par l’inhalation de produits toxiques ». De son côté, l’avocat de la famille Andrade, Me Jean-Jacques Rinck, avait souligné que l’ouvrier était « mort d’avoir inhalé trop d’émanations de bitume, reconnues comme éminemment cancérigènes ».

« Le TASS ne peut être considéré comme ayant établi une jurisprudence mais comme ayant proposé un début de jurisprudence, car ce dossier  ne peut s’arrêter à un tribunal de premier degré ».

La décision du TASS a été accueillie avec beaucoup d’émotion par la veuve et les deux fils de José Francisco Serrano Andrade. L’avocat de la famille a salué cette « première nationale professionnelle »: « C’est la première fois qu’un tribunal en France reconnaît qu’il existe un lien  entre la maladie professionnelle de M. Andrade, sa mort atroce, et les fumées cancérigènes toxiques dans le bitume  étendu à 150 degrés sur les routes », s’est
félicité Me Jean-Jacques Rinck.

Me Rinck a également appelé les pouvoirs publics « au titre du principe de précaution », à « s’emparer immédiatement de ce dossier comme ils l’ont fait pour l’amiante » et à « légiférer avec les scientifiques pour interdire en France l’usage du bitume  et du goudron ».

Source :

http://info.france2.fr/france/bitume-eurovia-reconnue-coupable-62968960.html

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