Publié sur le monde.fr
Le 14 juillet 2013
Quand on parle des risques des nouvelles technologies, les nanotechnologies sont assurément un cas d’école. Il s’agit de la capacité de manipuler la matière à l’échelle atomique. Le préfixe nano (10-9) correspond à un milliardième d’une unité, ici le mètre. Il est désormais possible de fabriquer des nanomatériaux de façon industrielle, par exemple des nanotubes de carbone, du graphène (une couche d’atomes de carbone), des nanoparticules d’argent ou de dioxyde de titane. A cette échelle, ces matériaux possèdent des propriétés particulières. Ils sont non seulement plus légers, mais aussi plus résistants et plus réactifs. Ils sont d’ores et déjà présents dans de nombreux objets courants comme les produits cosmétiques, les pneumatiques, les ciments, les emballages alimentaires, les vêtements, etc.
Les nanoparticules posent évidemment des questions de sécurité sanitaire parce que leur taille leur permet de franchir les barrières biologiques. Le développement rapide de ce marché va conduire à une exposition humaine accrue. C’est la seule certitude que l’on ait, car pour le reste, nous faisons face à plus de questions que de réponses. Quelques études toxicologiques montrent qu’elles peuvent induire des processus pathologiques. A ce stade, c’est un signal plus qu’une preuve. En réalité, il s’agit d’un domaine où l’incertitude est maximale et c’est en cela qu’il s’agit d’un cas d’école. La mise sur le marché se fait à un rythme tel que les capacités d’évaluation des risques ne peuvent pas suivre.
La question posée est celle de concilier le développement industriel et la sécurité sanitaire. D’emblée, il faut souligner deux faits structurants. Le premier est qu’on ne dispose pas d’appareil permettant de mesurer les concentrations de nanoparticules dans l’air, les eaux, les aliments, etc. Cela signifie que l’outil normatif est inopérant. Le second est que l’interdiction de fabriquer ou de mettre sur le marché des nanomatériaux n’est pas envisageable pour deux raisons principales que sont la mondialisation des échanges des biens et l’absence d’un appareil de contrôle efficient. La France a rendu obligatoire depuis le 1er janvier 2013 pour les fabricants, distributeurs ou importateurs la déclaration des usages de substances à l’état nanoparticulaire ainsi que les quantités annuelles produites, importées et distribuées sur le territoire français. Un site dédié a été ouvert, www.r-nano.fr, pour réaliser déclaration. C’est déjà un premier pas. Comment aller plus loin ?
De nombreuses initiatives ont été prises ces dernières années pour favoriser le dialogue et la participation des citoyens aux décisions. Par exemple, le Nanoforum du Cnam en et le débat national de la Commission nationale du Débat public. Le premier s’est toujours bien déroulé, mais il concernait un cercle restreint de personnes désireuses de dialoguer plutôt que s’affronter. Le second a été plusieurs fois perturbé par des groupes protestataires pour qui le dialogue n’est qu’un prétexte, de manipuler l’opinion.
L’opinion publique sur ce sujet est indécise et cela se comprend compte tenu de la complexité du sujet. Un sondage pour La Recherche et Le Monde indiquait que si une large majorité des personnes interrogées admettent que la société ne peut pas progresser sans prendre certains risques, 59% des Français avaient le sentiment de mal comprendre les enjeux des nanotechnologies et à peu près autant déclarent ne pas avoir confiance dans les scientifiques pour dire la vérité sur les résultats et les conséquences de leurs travaux dans le domaine des nanotechnologies.
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