Publié le 06/02/2010 08:00 | Philippe Rioux
Télécoms. Alors que les Français sont de plus en plus équipés, les dixièmes « Journées mondiales sans mobile » se déroulent ce week-end.
Il y a dix ans, l’écrivain Phil Marso lançait les premières Journées mondiales sans mobile, un 6 février, jour de la saint Gaston, en clin d’œil à la chanson de Nino Ferrer « Gaston y’a l’téléphon’qui son’et y a jamais person’qui y répond. »
Sauf que depuis dix ans, c’est de moins en moins vrai tant le portable a envahi notre quotidien. Selon les derniers chiffres de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) dévoilés jeudi soir, la France comptait, au 31 décembre 2009, 61,46 millions d’abonnements au téléphone portable. Face à cet éclatant succès, certains s’interrogent sur l’impact qu’ont sur nos vies ces compagnons électroniques toujours plus sophistiqués. Au-delà du débat de santé publique sur la nocivité des ondes et des antennes relais – toujours en cours – il s’agit là de réfléchir à la place qu’occupe le portable dans notre quotidien. Le portable est si pratique mais aussi si agaçant quand les sonneries intempestives se déclenchent en pleine séance de cinéma ; quand des individus sans-gêne vocifèrent dans leur appareil au milieu d’un bus ; que des élèves passent des appels en plein cours ; ou encore quand le conjoint consulte compulsivement son Blackberry ou son iPhone à tout moment pour répondre à ses e-mails.
Alors certains ont envie de dire stop et de faire une pause, comme Phil Marso. « Cet outil de communication à distance empiète petit à petit sur notre vie privée. Vous n’avez plus aucun répit pour votre intimité, puisque vous devez être connecté 24 heures sur 24 avec ce fil à la patte : pour la connexion avec internet et ses réseaux sociaux (Facebook, Twitter), l’attrait de la téléréalité en buzz continu (You Tube, Dailymotion) et les applications de plus en plus oppressantes sous couvert d’indispensable », explique Phil Marso. Pour la 10e édition qui se tient pendant trois jours à partir d’aujourd’hui avec pour sous-titre « Captez pas ma vie privée ! », Phil Marso propose à chacun de tester sa dépendance avec trois tests : couper 24 heures son mobile, privilégier les SMS dans les lieux publics, et éteindre son mobile de 6 à 10 heures et de 17 à 21 heures quand on est au volant. Alors, chiche ?
Comment c’était avant ?
Vivre sans portable ? Si certains trouvent aujourd’hui l’idée impensable, il suffit pourtant de remonter à une dizaine d’années pour retrouver une France où le diktat « être joignable partout » était inconnu. Sans tomber dans le « 22 à Asnières », les Français communiquaient alors avec les seules lignes fixes, soit à leur domicile, soit avec un réseau de cabines publiques qui était bien plus étoffé qu’aujourd’hui ; puisque 60 % des cabines ont disparu depuis 1997 car n’étant utilisées que moins de 5 minutes par jour.
Trouver à l’époque une ces cabines puis un peu de monnaie (ou une télécarte) devenait parfois un vrai casse-tête. Les Français qui n’étaient pas encore entrés dans la société de la communication, faisaient montre de patience pour joindre leur interlocuteur ; au mieux laissaient un message sur un répondeur à cassette… Avoir un téléphone « transportable » comme le vénérable Radiocom 2 000 était le luxe des décideurs. Ironie de l’histoire, aujourd’hui, le vrai luxe pour ces derniers, c’est justement de n’avoir pas de mobile… Ph. R.
Le débat fait rage sur internet.
Avec ou sans, de gré ou de force
15 jours sans. J’ai 29 ans, et ça va bientôt faire 15 jours que je n’ai plus de portable. Et ça se passe bien. Et quelle économie de textos en ce moment. Avec mes mails et le téléphone fixe en illimité à la maison, le portable n’est plus nécessaire. Vous allez me dire « Et si tu es en panne de voiture ? » Eh bien, comment faisait-on avant ?
c’est un fléau. ça file des cancers, c’est utile réellement que 10 % du temps, à la limite dans le cadre professionnel… ça fait pousser des antennes toutes moches et des ondes super-dangereuses et en plus ça te massacre ton budget du mois… Et les sonneries… sans compter les gens qui gueulent dans leur téléphone. Je l’utilise de moins en moins, genre 3 fois par semaine maxi.
Je suis heureux sans. Je n’en ai pas et survis quand même… Je vis même ! Bien sûr que l’on peut se passer du portable. ça rendrait même les rapports entre les gens beaucoup plus francs. Plutôt que de guetter son portable du coin de l’œil toute la journée en stressant « m’appellera ? m’appellera pas ? », plutôt que de dépenser ses économies (ou celles de ses parents), plutôt que de manquer de respect à n’importe qui sous prétexte qu’« il faut absolument que je réponde », plutôt que de devenir franchement insupportable en sonnant à n’importe quelle heure, plutôt que de pouvoir vous faire joindre à n’importe quelle heure par votre patron pour « une petite heure un samedi matin », plutôt que de devoir prévenir votre maman que vous rentrerez un peu tard, plutôt que de vous faire agresser par la pub sur votre mobile… Alors oui, il paraît que l’on peut vivre sans et que l’on pourrait même être heureux sans.
Pas équipé mais prêt à craquer. Je n’ai pas de téléphone mobile… simplement parce que je n’en ai pas besoin. Mais je suis à deux doigts de craquer, pour un iPhone. Pas pour le téléphone, mais pour tout le reste…
Zoom
Ceux qui en ont plusieurs…
L’analyse des derniers chiffres de l’Arcep montre que dans certaines régions, le taux de pénétration dépasse 100 % : 102,9 % en Corse, 107,4 % en PACA et 138,9 % en Ile-de-France. C’est-à-dire qu’il y a plus de mobiles que d’habitants. Un phénomène qui s’explique notamment par ceux qui disposent de plusieurs mobiles. Une ligne fixe et une ligne professionnelle ; ou alors deux opérateurs différents en raison de la couverture de l’un ou l’autre. Certains modèles de portables ont d’ailleurs prévu 2 emplacements pour carte SIM.
À votre avis
Télé, internet, portable : de quoi vous passeriez-vous ?
Kévin Feral, 15 ans, lycéen, à Lescure (Tarn)
De la télé. Je me passerais plus facilement de la télévision que du portable et d’Internet car il n’y a rien de bien sur les programmes TV. En moyenne, c’est sur le portable que je passe le plus de temps pour communiquer avec mes amis. Internet me permet aussi d’avoir des communications. Quand on regarde la télévision, on se renferme.
Ilse Luthold, 73 ans, retraitée, Toulouse (Haute-Garonne)
D’Internet. Parfois j’ai surfé sur le net. J’envoie des e-mails… mais c’est pas du tout mon truc. Avec la télé et le portable c’est plus compliqué.
J’aime beaucoup regarder les émissions de divertissement. Et le portable c’est très utile pour pouvoir communiquer avec ses proches, même si on est dans la rue.
Jean-Claude Sincholle, éleveur de vaches laitières à Montrozier (Aveyron)
De la télé. La télévision est l’outil dont je me passerais le plus facilement car je ne regarde pratiquement que les infos, que l’on peut retrouver sur Internet. Des trois, c’est le portable qui m’est le plus indispensable ; j’aurai sdu mal à travailler sans.
Il permet de faire les démarches dans l’instant et avec lui, rien ne s’accumule.
Colette Reungoat, 55 ans, commerçante à Agen (Lot-et-Garonne)
De la télé. Des trois, je me passerais bien volontiers de la télé. Elle dramatise tout, elle permet d’oublier les soucis du quotidien. C’est du bourrage de crâne. J’aurais du mal à me priver d’Internet, c’est un outil de communication avec mes proches. Et j’aurais encore plus de mal à me priver de portable. C’est un outil de travail, comme la voiture.
Maxime Marhuenda, 18 ans, sans emploi, à Foix (Ariège).
De la télé. De la télé, je m’en passerais sans difficulté. Le portable, je m’en sers, mais le moins possible, à cause du prix des communications. C’est en cas d’urgence.
Par contre, internet, c’est vraiment indispensable pour communiquer, s’informer, regarder la télé justement. C’est le plus important pour moi.
Visiter le site de l’écrivain Phil Marso
Source : http://www.ladepeche.fr/article/2010/02/06/771254-Portable-peut-on-s-en-passer.html