Pour Martin Guespereau, directeur général de l’Afsset qui publie un nouvau rapport sur les nanotechnologies, il faut faire la lumière sur les risques des « nanos ».
DR Martin Guespereau, directeur général de l’Afsset.
Pourquoi l’agence n’est-elle pas en mesure de quantifier les risques réels?
Il faut parfois reconnaître qu’on ne sait pas – surtout quand cette ignorance est en partie due au manque de transparence des fabricants… Mais nous sommes favorables au principe de précaution, surtout en matière de risques professionnels pour les salariés exposés. Ne revivons pas le scandale de l’amiante.
Que reprochez-vous aux industriels?
Prenons l’exemple de la silice, utilisée depuis des dizaines d’années dans l’agroalimentaire. De nombreuses entreprises la commercialisent, mais, curieusement, personne n’en achète officiellement! Le plus choquant dans cette affaire, c’est l’attitude de déni des responsables.
Autoriser, interdire, suspendre: quelle est la bonne solution?
La France est aujourd’hui parvenue à maturité pour poser les premières règles. Premier principe: si une substitution est possible avec un autre produit, il faut privilégier cette solution. Pour le reste, l’autorisation a priori devrait être réservée aux usages strictement nécessaires, ainsi qu’aux produits qui ne sont pas « émissifs » [non susceptibles de se répandre] et à ceux pour lesquels la balance bénéfice-risque penche indubitablement en faveur du bénéfice.
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Terre 24/03/2010 à 18h14
Nanotechnologies: l’Afsset recommande le principe de précaution
Poudre de titane contenant des nanoparticules d’or. (AFP photo AFP)
Face aux incertitudes concernant les nanomatériaux présents dans des centaines de produits de consommation, «le principe de précaution s’impose», selon l’Agence santé et environnement (Afsset) qui recommande un étiquetage clair, voire des interdictions.
«Les nanos sont maintenant présents dans tout notre quotidien», a déclaré mercredi le directeur général de l’Afsset Martin Guespéreau, en présentant devant la presse un rapport sur les risques liés aux nanomatériaux pour la population et pour l’environnement.
Informer les consommateurs grâce à un étiquetage clair, assurer la traçabilité des nanomatériaux figurent parmi les principales recommandations de l’Afsset à l’issue de cette mission confiée en 2008.
Les effets mal connus
Plus de mille produits de consommation courante (raquettes de tennis, crèmes solaires, sel de cuisine, emballages alimentaires, vêtements) contiennent des nanomatériaux. Entre autres, des nanoparticules d’argent dont les propriétés antimicrobiennes sont exploitées pour des applications très diverses: chaussettes sans odeur, ustensiles de cuisine, pansements, tissus pour les grands brûlés, produits d’hygiène…
Les effets sur la santé et l’environnement des nanoparticules restent mal connus. D’abord, parce qu’à cette échelle, la matière acquiert des propriétés nouvelles qui compliquent toute analyse de toxicité.
Il faut «accélérer la recherche», indique Martin Guespéreau, relevant que seulement 2% des études publiées sur les nanomatériaux concernent leurs risques éventuels, alors que tout le reste est consacré à leur développement.
«Faire une évaluation sanitaire complète» prendrait «50 ans», dit-il, insistant sur la nécessité «de définir des méthodes simplifiées». L’Afsset devrait, d’ici deux ans, établir une «grille d’évaluation» permettant un premier classement en fonction des risques.
«Il faudra envisager des interdictions»
Dans certains cas, «il faudra envisager des interdictions», selon M. Guespéreau qui recommande une «réponse graduée» en tenant compte des risques, mais aussi de l’utilité des nanomatériaux et de la possibilité de leur trouver des produits de substitution.
L’Afsset a passé au crible 4 des 246 produits de consommation avec nanos identifiés sur le marché français: chaussettes «antibactériennes», lait solaire contenant des nanoparticules de dioxyde de titane (Ti02) pour mieux protéger contre les UV, ciment auto-nettoyant au Ti02 pouvant présenter des risques pour les bricoleurs ou professionnels, silice alimentaire nanométrique pour éviter que sel ou sucre en poudre s’agglomère.
Le jugement final est «plutôt sévère pour les chaussettes» qui peuvent avoir «un impact sur l’environnement absolument majeur» à cause du nanoargent disparaissant dans l’eau de lavage et risquant de perturber les stations d’épuration ou certains poissons, selon M. Guespéreau, qui recommande leur interdiction.
Si 10% des chaussettes vendues en France contenaient du nanoargent, «18 tonnes d’argent seraient rejetées chaque année dans les eaux superficielles», selon Dominique Gombert, chef du département d’expertise de l’Afsset.
(Source AFP)
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