St-Étienne-du-Bois : l’antenne-relais empêche-t-elle les curés de dormir ?


le 29.10.2009 04h00

Ain :Nuits blanches au presbytère. Les prêtres souffrent de graves troubles du sommeil. L’évêque jette l’anathème, ou tout au moins la suspicion, sur le relais de téléphonie mobile installé dans le clocher

Il y a quelque chose qui « cloche » au presbytère de Saint-Etienne-du-Bois. L’abbé Mainaud déjà n’y trouvait pas le repos. Ces trois dernières années, son successeur le père Gilly y a passé lui aussi des nuits blanches. Des insomnies telles qu’elles l’ont conduit à changer de paroisse cet été. « Je sais que le souci de vous tous est de savoir si je dors mieux à Challex » confiait-il dans une lettre adressée début septembre à ses anciennes ouailles. « Depuis lundi, j’ai pu mieux dormir. Mais je ne veux pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Voyons ce que réservent les jours à venir ». Dieu soit loué, le père Gilly semble « avoir repris un sommeil normal » comme il l’a confirmé un mois plus tard à l’évêque Mgr Bagnard.

Mais voilà qu’à son tour, le nouveau curé de St-Etienne-du-Bois compte des moutons qui n’ont rien à voir avec des brebis égarées ! « Par nature, je dors bien, j’ai le sommeil facile » confesse le père Samuel Meledi. « Quand j’étais dans le Pays de Gex, puis à Chatenay, aucun problème. Depuis que je suis ici, je cherche le sommeil. Je ne dors plus du tout. J’ai envie de dormir, j’essaie de faire la sieste. Mais ça ne se réalise pas ».

À la fatigue qui l’accable, s’ajoutent d’autres troubles. « Je gratte la tête. Ça ne m’était jamais arrivé avant ». Le médecin lui a prescrit un somnifère. Rien à faire. « Ça a marché le premier jour. Après, plus d’effet. Le médicament est très amer et me fatigue seulement ». Le père Samuel ajoute qu’il ignorait tout des tourments de son prédécesseur à son arrivée en Bresse. Donc, pas de psychose a priori.

En d’autres temps, l’Eglise aurait peut-être accusé le Malin. Aujourd’hui, Mgr Bagnard jette l’anathème, ou tout au moins la suspicion, sur l’antenne de téléphonie mobile érigée dans le clocher. L’Évêque prend l’affaire très au sérieux. Il a écrit une lettre au maire Denis Perron, le priant instamment de faire mesurer les rayonnements et d’agir en conséquence.

Cette prise de position n’a rien de surprenant. Au nom du principe de précaution et du respect des lieux de culte, Monseigneur entend bouter les relais impies hors des églises. Il reprend ainsi la main sur un dossier qui lui avait quelque peu échappé au départ. Aucun contrat ne sera renouvelé.

Ceux en cours pourraient être « rediscutés ».« Je ne suis pas un spécialiste mais voilà les faits » sermonne Mgr Bagnard. « Dès qu’une antenne émet, il y a quelque chose qui bouge. C’est si vrai qu’on en interdit la pose à proximité des écoles. Dès qu’un opérateur entre dans une église, nous ne sommes plus maîtres chez nous. Il va et vient, cache les clés, peut augmenter les intensités comme il veut… Non, il faut que cela cesse ».

Du pain béni pour les anti-antennes. Tempête dans un bénitier rétorquent les pro-portables. Et d’une, le contrat passé entre Bouygues, la municipalité… et l’évêché court jusqu’en 2015. Difficile d’envisager un déménagement avant, à moins que d’ici là, les autorités sanitaires reconnaissent que les relais posent des problèmes de santé. Ce qu’elles ont toujours refusé.

Surtout, l’antenne du clocher de Saint-Etienne-du-Bois ne semble pas troubler le sommeil des autres riverains, comme le montre une petite enquête de voisinage. Il faudra des investigations plus profondes pour percer le mystère des curés insomniaques.

Marc Dazy 

 

QUESTIONS à Denis Perron

Maire de St-Etienne-du-Bois, conseiller général du canton de Treffort

« Prendre cette remarque au sérieux et la traiter en prenant le temps »

Que répondez-vous à la lettre de Mgr Bagnard ?

Je vais y répondre très bientôt. Je me suis engagé à demander des mesures de champs électromagnétiques pour confirmer l’intensité des rayonnements et voir avec Bouygues ce qu’il y a lieu de faire.

Pensez-vous que ces insomnies sont liées directement à l’antenne du clocher ?

Ce serait une coïncidence étonnante. Le fait de connaître les maux dont souffrait son prédécesseur n’a-t-il pas inquiété le nouveau prêtre ? À Saint-Etienne-du-Bois, certaines zones sont bien plus exposées. L’antenne du clocher, de par sa hauteur, rayonne horizontalement et toucherait plus les habitations éloignées que la cure située juste au-dessous.

Il n’y a pas une foule de paroissiens qui se plaignent de troubles du sommeil. En tant que vice-président du conseil général, je suis plutôt assailli par les abonnés qui réclament une desserte correcte en téléphonie mobile !

Pourriez-vous déplacer l’antenne au nom du principe de précaution ?

Pour la mettre où ? En zone d’activités, il y a également des riverains très proches et des gens qui travaillent. Ce n’est pas si simple. Légalement, je ne peux pas mettre Bouygues à la porte. Ensuite, faire pression sur l’opérateur pour qu’il déplace l’antenne, serait reconnaître explicitement qu’elle cause des problèmes de santé.

Et si c’était le cas ?

Ces problèmes n’ont jamais été mis en évidence. Les études de l’AFSSAPS (*) l’ont reconfirmé. Ce qui ne veut pas dire que le risque zéro est avéré. Ce doute, je l’entends. Il faut prendre cette remarque au sérieux et la traiter en prenant le temps. On ne peut pas réagir de façon immédiate et régler un tel problème d’un coup de baguette magique.

Propos recueillis

par Marc Dazy

(*) Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Le sermon de Mgr Bagnard

Dans un courrier en date du 11 octobre, adressé au maire Denis Perron, Mgr Bagnard, rappelle tout d’abord les raisons qui ont conduit le père Gilly à quitter Saint-Etienne-du-Bois : troubles du sommeil dont souffre aujourd’hui son successeur le père Samuel Meledi. « Voilà donc que se pose à nouveau le problème concernant l’antenne de ce clocher » poursuit l’évêque du diocèse de Belley-Ars. « Comment, en effet, expliquer ce qui s’est passé pour le père Gilly et ce qui passe maintenant pour le père Samuel ? Je signale ne lui avoir rien dit pour ne pas provoquer chez lui quelque chose d’ordre psychologique qui aurait téléguidé cette impression de difficulté à dormir. Vous serait-il possible de voir de près le problème de l’antenne, en particulier que soit mesurée l’intensité des émissions. Est-ce que depuis la signature du contrat en 2001, l’intensité a été augmentée et dans quelle proportion ? Il n’y a pas de doute qu’une intensité croissante peut développer des effets qui n’ont pas été ressentis au départ.

Je suis prêt à reparler de ces questions avec vous. Mais vraiment, M. le maire, il faut reprendre aujourd’hui en considération la situation telle qu’elle se présente. Je ne peux pas, étant responsable des prêtres, les laisser demeurer dans un contexte où leur santé est mise en cause ».

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