Les nanos rattrapées par le principe de précaution

   Mai 2010

Dans de nombreux domaines, les nanotechnologies sont utilisées sans que leurs effets sur la santé ou l’environnement aient été étudiés. Deux rapports pointent ces retards.

Les nanotechnologies reviennent sur le tapis français. Alors que des objets de taille nanométrique (de l’ordre du milliardième de mètre) envahissent de plus en plus notre quotidien, deux rapports respectivement de l’Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail) et de la Commission nationale du débat public (CNDP) viennent de pointer les retards pris dans l’évaluation et la gestion de ces procédés émergents. Le premier s’est attaché à l’étude de quatre types de nanoparticules déjà utilisés : l’oxyde de titane, incorporé dans les crèmes solaires ou revêtements autonettoyants, le nano-agent bactéricide et anti-odeur utilisé dans certaines chaussettes, et enfin la nanosilice alimentaire, qui permet d’éviter la formation d’agrégats dans des produits tels que sel, sauces… A chaque fois ou presque, « si le risque ne peut être estimé, il ne peut être exclu », estiment les experts après avoir parcouru la littérature scientifique sur la toxicologie, les risques d’exposition ou les effets sur l’environnement de ces fameuses nanoparticules.
L’Afsset préconise donc d’appliquer le principe de précaution, ce qui pourrait conduire à l’interdiction de certains articles comme les chaussettes dont les bénéfices apparaissent faibles face aux risques. L’agence se prononce aussi pour l’étiquetage et la déclaration obligatoires de ces produits. Enfin, l’Afsset établira une méthodologie pour évaluer rapidement les risques liés à chaque cas.
Hélas ! ces recommandations fortes arrivent bien tard : plus d’un millier de produits sont déjà sur le marché, dont plus de 250 en France. Dans le même temps, seuls 2 % des études scientifiques liées aux nanotechnologies s’intéressaient à l’évaluation de leurs risques. La palme de l’inconséquence revient sans doute à Reach, la réglementation européenne sur les produits chimiques discutée dès 1997, qui a purement et simplement… oublié les nanos ! Au moins dix ans de perdu. Toutes ces incertitudes ont alimenté le débat national sur les nanotechnologies qui s’est tenu d’octobre 2009 à février dernier. La CNDP, chargée de l’organiser, vient de rendre sa synthèse. Sans surprise, elle reprend les constats de l’Afsset : manque de données toxicologiques, défaut de transparence, risques potentiels pour la santé ou l’environnement, absence de réglementation… Mais des questions nouvelles ont émergé, notamment face à la virulence de manifestants qui ont contraint les organisateurs à remplacer les réunions publiques par des vidéoconférences.
Ainsi, les craintes émises quant à la protection des libertés individuelles, les questions sur l’intérêt même des nanotechnologies, ou tout simplement sur l’utilité de débattre alors que les choses sont déjà lancées, sont relayées dans le rapport. Ce dernier renseigne d’ailleurs autant sur les nanotechnologies que sur la manière d’organiser une concertation au sujet d’une controverse. « Informer plus avant de débattre, aurait été souhaitable », analyse Philippe Deslandes, président de la CNDP. Désormais, la balle est dans le camp du gouvernement, qui devra annoncer ses premières décisions avant juillet.

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