06 février 2011
Le dioxyde de titane, un pigment entrant dans la composition de nombreux produits d’usage courant, comme les crèmes solaires ou les dentifrices, aurait les mêmes effets toxiques que l’amiante.
« Avec le dioxyde de titane, on se retrouve dans la même situation qu’avec l’amiante il y a 40 ans », affirme le professeur Jürg Tschopp, prix Louis-Jeantet de médecine 2008, qui a piloté une étude franco-suisse sur les effets toxiques de ce nanomatériau. Le potentiel inflammatoire du dioxyde de titane était déjà connu, mais ses mécanismes d’action n’avaient pas été clairement élucidés jusqu’ici. C’est aujourd’hui chose faite grâce aux travaux effectués conjointement par les chercheurs du département de biochimie de l’université de Lausanne (UNIL) et de l’université d’Orléans. Les tests in vivo et in vitro sur des souris, et in vitro sur des cellules humaines, montrent que le dioxyde de titane, sous forme nanométrique (particules de dimensions un million de fois plus petites qu’un cheveu), a une activité pro-inflammatoire sur les poumons et le péritoine. D’où un possible effet cancérigène. Tout comme l’amiante et la silice, deux irritants environnementaux bien connus.
Un constat d’autant plus alarmant que le dioxyde de titane entre dans la composition de nombreux produits de la vie quotidienne. Utilisé principalement comme pigment et comme opacifiant, il se retrouve aussi bien dans les crèmes solaires, les dentifrices ou les confiseries que dans les peintures et les médicaments.
L’organisme ne parvient pas à s’en débarrasser
Le nanomatériau peut être absorbé par voie digestive, cutanée ou respiratoire. Aujourd’hui, on manque encore de données sur l’absorption de dioxyde de titane via l’alimentation ou la peau. Si le risque de pénétration n’est pas exclu à la surface d’une peau lésée (brûlures ou peau atopique), l’ingestion par voie respiratoire est bien plus préoccupante, en particulier pour le personnel des industries nanotechnologiques.
Le problème, c’est que l’évaluation réelle des risques se fera sur le long terme. « Aujourd’hui, on constate que les particules s’accumulent dans l’organisme qui ne parvient pas à s’en débarrasser. En l’état actuel des recherches, on peut seulement prédire qu’il y a là un potentiel pour produire une inflammatoire chronique », précise le Pr Tschopp.
En attendant, plus de deux millions de tonnes de dioxyde de titane nanométriques sont produites chaque année dans le monde, un chiffre qui a doublé en moins de 10 ans. Pour de nombreux produits, la valeur ajoutée du dioxyde de titane est des plus discutables. Ainsi, le nano-TiO2 incorporé aux pâtes dentifrices leur confère une blancheur sans effet sur leur pouvoir nettoyant, mais synonyme d’efficacité dans l’esprit des consommateurs. « Nos données suggèrent que le nano-TiO2 devrait être utilisé avec une plus grande prudence qu’il ne l’est actuellement », soulignent les auteurs de l’étude. « De meilleures précautions devraient être prises », pour limiter son ingestion, dans l’industrie comme dans la vie quotidienne. « Il a fallu presque 100 ans et d’innombrables décès avant que l’amiante soit bannie », rappellent les chercheurs.
Florence Humbert