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Le lobby agro-alimentaire prêt à gagner la guerre des étiquettes

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Par Colette Roos | Journaliste | 13/06/2010 | 11H15

Le label avec feux de signalisation (Eatwell.gov.uk).

Les lobbies de l’agro-alimentaire – fabricants mais aussi distributeurs – font un travail aussi effarant qu’efficace pour que ne soit pas voté un systèmé d’étiquetage alimentaire dit « des feux de signalisation ».

C’est ce qu’indique le désespérant rapport de Corporate Europe Observatory, une ONG hollandaise qui travaille à dévoiler les (ex)actions des grandes entreprises et de leurs groupes de pression à Bruxelles. Ce rapport rendu public le 11 juin est intitulé « A Red Light for Consumer Information » (« Feu rouge pour l’information des consommateurs »). (Télécharger le document en anglais)

De quoi s’agit-il ? D’un étiquetage extrêmement simple, apposé à l’avant des emballages et détaillant la quantité de sucre, de graisse (dont saturée), de sel, et d’énergie par portion consommée.

Exemple : une portion de ces délicieuses chips arôme fumé achetées à la station service vous apporte… 7 grammes de lipides, dont 3 de lipides saturés, 1 gramme de sodium, 0,5 gramme de sucre.

Avec ce système, chaque quantité serait indiquée dans une pastille colorée. Ici, par exemple, la quantité de sodium serait en rouge, puisqu’elle est énorme. Le système existe déjà en Angleterre, où il est promu par l’agence gouvernementale Food Standards Agency.

On comprend que les industriels ne soient pas fans des feux de signalisation, qui classent efficacement leurs produits. Les aberrations nutritionnelles en rouge, le passable en orange, le bon en vert.

1 milliard d’euros pour les lobbies de l’agro-alimentaire

Les députés européens ont déjà dit non aux « feux de signalisation » en mars dernier, mais la décision doit être entérinée mercredi 16 juin au Parlement.

Il faut croire, comme l’indique CEO, que le milliard d’euros dépensé en lobbying pour mettre en échec cette proposition n’y est pas pour rien.

L’organisation cite les propos de plusieurs parlementaires, rapporteurs sur ce dossier pour leur parti. L’eurodéputée néerlandaise socialiste Kartika Liotard raconte avoir reçu des messages dans la proportion de cent e-mails des lobbies de l’agro-industrie (et jusqu’à 250 par jour) pour un mail des associations de défense des consommateurs .

Le député vert suédois Carl Shlyter indique pour sa part dans une interview accordée au blog de CEO :

« Habituellement, la proportion des informations émanant des groupes de pression est de 84% pour 16% provenant des mouvements d’intérêt public.

Dans ce dossier, on est à 90-95% pour seulement 5 à 10%. »

L’essentiel des messages envoyés aux parlementaires concernent des points de détail et des cas particuliers, histoire de noyer les eurodéputés sous les données, une stratégie classique.

Les mêmes armes que l’industrie du tabac autrefois

Autre stratégie qui a fait ses preuves, d’ailleurs utilisée par les fabricants de tabac il y a quelques décennies : commander des études « scientifiquement incontestables ». Comme celles de l’EUFIC, organisme a priori irréprochable, à en juger par son nom, « European Food Information Council », d’ailleurs rémunéré plus de 2,8 millions d’euros en 2008 par la Commission européenne pour coordonner une étude sur les informations nutritionnelles sur les emballages alimentaires.

Problème : l’EUFIC est financé par les industriels tels que Barilla, Cargill, Coca-Cola, Danone, Mars, McDonald’s, Nestlé, Unilever… et est dirigé par l’ex-lobbyiste en chef du groupe Mars (oui oui, les barres chocolatées), Joséphine Wills.

Dernière méthode utilisée par les industriels, là aussi classique : se montrer de bonne volonté… pour des solutions plus modérées.

Le label GDA.Depuis plusieurs années, les grands noms du secteur (par exemple, en Angleterre, Cadbury, Kellogg’s, Kraft) militent pour un système beaucoup moins clair que celui des « feux de signalisation » : des macarons ton sur ton, apposés eux aussi à l’avant des emballages, qui indiquent les pourcentages de sucres, lipides (dont saturés), sel et les calories mais cette fois par portion par rapport aux apports quotidiens recommandés pour un adulte.

Rappelons au passage que ces apports quotidiens recommandés, qui ressemblent à des quantités à consommer, sont plutôt des quantités à ne pas dépasser, et hop, le joli tour de passe-passe. Rappelons aussi que la taille de la portion est définie par les industriels eux-mêmes.

CEO rappelle qu’en Europe, 27% des hommes et 38% des femmes sont en surpoids ou obèses.

Photos : le label avec feux de signalisation (Eatwell.gov.uk) ; le label GDA (capture d’écran du site Web Whatsinsideguide.com) ;

Source : http://eco.rue89.com/dessous-assiette/2010/06/13/le-lobby-agro-alimentaire-pret-a-gagner-la-guerre-des-etiquettes-154603

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