Créé le 12.04.11 à 19h12 — Mis à jour le 12.04.11 à 19h40
PARIS – Des scientifiques accusent les autorités politiques de ne rien faire, en dépit « des preuves » qu’ils avancent, face à la menace que fait peser la pollution sur la santé des enfants et donc sur les générations à venir.
L’Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (Artac) réunit mardi et mercredi à Paris le 3ème colloque de l’Appel de Paris, lancé en 2004 par le cancérologue Dominique Belpomme. Cet appel souligne le lien entre dégradation de l’environnement et maladies chroniques, relève l’impact de la pollution chimique, « menace grave pour l’enfant », craignant par voie de conséquence la mise en péril de l’espèce humaine.
Il a été signé par plusieurs milliers de scientifiques de différents pays, les conseils de l’ordre des pays de l’Union européenne, 1.500 ONG et près de 300.000 citoyens.
300 pédiatres, gynécologues, obstétriciens, chercheurs et professionnels de la santé participent à ce colloque réuni à la Maison de l’Unesco et centré sur l’impact de la pollution sur les enfants, particulièrement vulnérables. Il a été ouvert par des représentants de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Agence européenne de l’environnement.
Bisphénol A, pesticides, alliages dentaires au mercure, phtalates, oxyde d’éthylène (dans des tétines de biberons), champs électromagnétiques, toutes les sources de pollution connues touchent directement ou indirectement le foetus et l’enfant, ont relevé plusieurs scientifiques devant la presse.
Ces pollutions sont selon eux à l’origine de la montée de maladies telles que cancers (1% de hausse des cas infantiles chaque année), diabète, obésité, allergies, autisme, maladies neuro-dégénératives.
« Il y a une programmation très précoce de ce qui va se passer à l’âge adulte », a souligné le Pr Patrick Fenichel (Inserm), endocrinologue.
Parmi d’autres maladies, « les découvertes récentes sur des modèles animaux font pressentir que la première étape du cancer du sein intervient au stade foetal », a noté le Pr Belpomme.
En dépit de ces « preuves et arguments », « il n’y a pas de traduction politique de cette inquiétude que nous véhiculons », a fait valoir Charles Sultan, professeur de pédiatrie à Montpellier. « L’action politique est beaucoup trop lente », a renchéri Genon Jensen, directrice exécutive de l’Alliance pour la santé et l’environnement (Heal), pour qui « il faut des changements immédiats ».
Elle a suggéré d’interdire le BPA dans l’emballage des produits alimentaires, et de défendre la nécessité d’une réduction du risque environnemental, lors du sommet sur les maladies chroniques en septembre à New York.
« Beaucoup de résultats de recherches scientifiques ont été mis sur la table, aucun politique ne peut dire aujourd’hui +nous ne savions pas+ », a relevé le député luxembourgeois Jean Huss, membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. « Un jour cela va poser un problème à l’espèce, cela n’est pas anodin », a fait valoir Patrick Fenichel.
Plusieurs scientifiques ont évoqué des solutions comme le recours à des produits de substitution ou l’utilisation de nouvelles technologies. Pour le Pr Belpomme, il faudrait inclure la santé dans le principe de précaution qui ne concerne à ce jour que l’environnement. Cela donnerait un argument juridique aux victimes de pollution.