Alors que les nouveaux risques liés au travail se multiplient (nanotechnologies, bitume, champs électromagnétiques, etc.), l’une des principales institutions chargées de les pister tremble sur ses fondements. Pour la première fois, la Cour des comptes s’est penchée sur ses structures et fait de nombreuses observations. D’abord, la quintuple tutelle de l’organisme n’est pas juridiquement verrouillée. En théorie, la Direction générale du travail (DGT), la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), la Direction générale de l’alimentation (DGAL), la Direction générale de la santé (DGS) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) l’assument collectivement.
Mais au lieu de désigner en leur sein un chef de file, comme le stipulent les textes, les acteurs maintiennent depuis trois ans un mécanisme de tutelle tournante censé être provisoire. En outre, le conseil d’administration, au sein duquel se côtoient des représentants du personnel et de l’État, n’a pas de président depuis plus d’une année. Le précédent titulaire, Philippe Bas, n’avait été désigné qu’après un an d’hésitation. Par ailleurs, le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, souligne la nécessaire indépendance dont le DG de l’agence doit bénéficier, « tant visà- vis des industriels que des ministères de tutelle ». D’où la nécessité de fixer sa rémunération dans la transparence et sur une base irréprochable. Or les émoluments de Marc Mortureux restent confidentiels. On sait qu’ils sont partiellement fondés sur des critères périmés, notamment en ce qui concerne le variable. Les magistrats de la rue Cambon recommandent aussi de « fixer la durée des fonctions du DG à un mandat unique de cinq ans, non révocable ». Ils préconisent la poursuite du regroupement des agences sanitaires en « pôles cohérents correspondant à leurs grandes missions », une démarche initiée en 2010. En clair, il ne suffit pas d’avoir créé l’Anses en fusionnant l’ex-Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et l’ancienne Agence française de sécurité de l’environnement et du travail (Afsset).
La consolidation doit aller plus loin, sachant que, dans le champ du travail, de nombreux autres organismes (non cités) agissent parallèlement (INVS, Inres, etc). « Le paysage demeure foisonnant et complexe », insiste Didier Migaud. Matignon ne récuse pas ces remarques. Jean-Marc Ayrault promet que le nouveau président de l’Anses sera nommé d’ici au 22 novembre. De même, la question de la rémunération de Marc Mortureux sera examinée. Il maintient, en revanche, que le mandat de trois ans, renouvelable une fois et révocable, convient.