Quand les appelés du contingent servaient de cobayes
Un rapport confidentiel révèle comment l’armée française a utilisé ses soldats lors des premiers essais atomiques dans le Sahara au début des années 1960.
C’est un rapport accablant. 260 pages estampillées « confidentiel défense » que « le Parisien » – « Aujourd’hui en France » s’est procuré et qui éclaire d’un jour radicalement nouveau la campagne française d’essais nucléaires dans le Sahara algérien, entre 1960 et 1966. « Il s’agit de la seule synthèse existante sur ces tirs connue à l’heure actuelle », avertit Patrice Bouveret, président et cofondateur de l’Observatoire des armements, qui évoque ce document dans le dernier numéro de sa lettre d’information.
Intitulé : « la Genèse de l’organisation et les expérimentations au Sahara », ce texte rédigé par un ou des militaires anonymes daterait de 1998, juste après l’abandon définitif des essais par Jacques Chirac. Il y évoque avec emphase « une grande aventure scientifique », tout en jugeant « inopportun d’en extraire une synthèse grand public. » A sa lecture, on comprend aisément pourquoi, chaque ligne du rapport expliquant comment scientifiques et militaires veulent, à l’époque, obtenir « la bombe », quel que soit le prix à payer, y compris humain. Gerboise verte, le quatrième et dernier tir dans l’atmosphère, fait ainsi jouer les appelés du contingent à une véritable guerre nucléaire grandeur nature. Souvent, les vétérans se plaignaient d’avoir été des cobayes. C’est désormais une certitude.
Quant aux « faibles doses » reçues qu’évoque le ministre de la Défense, elles sont à l’origine de maladies irréversibles. « Que dans le contexte de l’époque, on fasse des manoeuvres, on peut en discuter, résume Patrice Bouveret. Mais que tout cela soit fait sans aucune prise en compte sociale ou médicale des hommes, c’est quasi criminel. »
Reste que ce rapport ne livre qu’une vérité partielle des essais nucléaires réalisés par la France. En effet, le sous-titre du document indique en première page qu’il s’agit du « tome I ». Existe-t-il d’autres volumes dans les archives du ministère de la Défense ? Hervé Morin dit ne pas en avoir connaissance.