PUBLIÉ LE 29/10/2010 08:22 – MODIFIÉ LE 30/10/2010 À 10:34 | LADEPECHE.FR
Ticket de caisse, stylos en plastique, CD Rom ou DVD : les bisphénols A sont présents partout./Photo PQR
Une équipe de chercheurs toulousains vient de découvrir que les bisphénols A pouvaient se transmettre par simple contact avec la peau. Les tickets de caisse sont visés.
C’est une découverte majeure que vient de réaliser une équipe de chercheur de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) de Toulouse. Emmenées par le biologiste Daniel Zalko, les équipes de l’Inra, en collaboration avec les laboratoires Pierre Fabre, ont mis en évidence que les bisphénols A (BPA), une substance chimique présente dans les plastiques, peuvent se transmettre par simple contact avec la peau. En cause : les papiers thermiques et notamment les tickets de caisse.
Jusqu’à présent, les chercheurs pensaient que ce perturbateur endocrinien, qui peut avoir des conséquences sur la santé humaine en particulier dans les fonctions de reproduction, ne se transmettait que par l’ingestion. Présents dans de nombreux emballages plastiques alimentaires et notamment dans les biberons, les bisphénols A ont la capacité de migrer du plastique vers les aliments. Ils finissent donc ingérés par le consommateur. Le sujet est hautement sensible car les biberons pour bébés surtout passés au micro-ondes, figurent parmi les contenants présentant le plus grand risque de transmission à l’enfant. Ces biberons sont d’ailleurs interdits en France depuis juin dernier.
APRÈS LES BIBERONS, LES TICKETS DE CAISSE
Aujourd’hui après des études menées sur de la peau de porc, les équipes toulousaines ont découvert que les bisphénols étaient aussi présents sous forme libre dans une grande partie des papiers thermiques. Autrement dit, les tickets de caisse ou de carte bleue contiennent une « assez grande quantité » de bisphénols utilisés comme révélateur dans la coloration à l’impression. Les études ont montré que les deux tiers des bisphénols mis en contact avec la peau de porc traversaient la barrière cutanée et se retrouvaient dans l’organisme. En août dernier, une équipe américaine de chercheurs a rapporté que des niveaux résiduels de BPA étaient plus importants dans l’organisme des hôtesses de caisse. Sur un seul reçu, on pourrait trouver jusqu’à douze fois la dose plafond tolérée. Les facturettes contiendraient ainsi mille fois plus de BPA que les boîtes de conserve. Une vraie bombe à retardement en matière de santé publique.
Les chercheurs toulousains soupçonnaient qu’une autre porte d’entrée que la contamination alimentaire existaient car les taux de BPA élevés retrouvés chez certaines personnes ne pouvaient pas s’expliquer. Cette enquête met à mal les recommandations des agences sanitaires française ou européenne qui refusent de se prononcer sur la dangerosité de ce nouveau mode de contamination, demandant que d’autres études soient lancées. Gil Bousquet
Quels risques court-on ?
Depuis quinze ans, les chercheurs mettent en évidence les effets du bisphénol A sur les récepteurs hormonaux notamment. Les bouteilles d’eau exposée à de fortes chaleurs (stockage en plein soleil) laissent échapper d’infimes particules de cet œstrogène de synthèse qui se diffusent dans l’eau. Le processus est le même pour les boîtes de conserve ou les biberons des bébés surtout s’ils sont passés au micro-ondes. Les BPA sont suspectés d’être impliqués dans plusieurs cancers, dans l’altération de la reproduction, le diabète, l’obésité.
Les pathologies de l’hyperactivité des enfants pourraient aussi être liées au bisphénol. Plus grave il serait responsable de perturbations du système endocrinien en particulier pour les bébés. à la clef, des troubles hormonaux qui pourraient être à l’origine de pubertés précoces chez les filles et d’une baisse de la fertilité chez les garçons.
Pour le chercheur toulousain Daniel Zalko, ces risques doivent être pris au sérieux car les premières années de l’enfant sont des « périodes critiques » durant lesquelles les polluants chimiques doivent être sinon bannis, au moins réduits au maximum. Les toxicologues s’inquiètent aussi des effets à long terme de ces substances qui sont proportionnellement présentes en plus grande quantité dans le corps des enfants que dans celui des adultes. Les équipes toulousaines cherchent enfin à déterminer les conséquences du bisphénol sur le système immunitaire humain. Le but est de déterminer le rôle actif des BPA dans la survenue de cas d’obésité mais aussi dans la manière dont les dérèglements hormonaux affectent la thyroïde et pourraient être à l’origine de cancers hormonaux-dépendants, comme ceux des testicules ou du sein.
Même si les doses auxquelles sont exposés les consommateurs sont infimes, les chercheurs pensent qu’à long terme, le bisphénol A peut avoir des conséquences sur la santé, appelant à l’application du principe de précaution.
« La peau est une porte d’entrée dans l’organisme »
Daniel Zalko est le biologiste de l’Inra de Toulouse qui a mené cette étude avec son équipe de l’unité de Métabolisme des Xénobiotiques.
Le bisphénol A est-il dangereux pour la santé ?
Ce n’est pas un poison violent mais on le soupçonne de produire des effets sur l’organisme humain même s’il est absorbé à de faibles doses mais de manière répétée. Il peut être à l’origine de troubles dans le développement des glandes mammaires et du système nerveux, dans la taille de la prostate ou encore générer des effets obésogènes.
Certaines personnes sont-elles plus sujettes aux BPA ?
On travaille depuis 2003 pour vérifier si les bisphénols sont capables de traverser la barrière placentaire. On a ainsi administré du bisphénol A à faible dose à des souris. On s’est rendu compte que 5 % de la dose passait la barrière placentaire. Cette tendance a été confirmée chez les fœtus humains.
Les industriels peuvent-ils supprimer les BPA ?
Les biberons n’en contiennent déjà plus. Il est possible que nos résultats conduisent les agences sanitaires à renforcer l’examen leur expertise du bisphénol A, en prenant en compte que la peau peut être une porte d’entrée supplémentaire .
Recueilli par G.B.
Le chiffre : 2 009
interdiction > Crèches de Saint Jean. Depuis le 22 juin 2009, Gérard Bapt, le maire de Saint-Jean près de Toulouse a interdit l’utilisation de biberons contenant du bisphénol A dans les crèches municipales.
La phrase
« La principale voie est l’alimentation. Il n’y a pas de raison de s’inquiéter outre mesure .» Marie-Hélène Loulergue, directrice adjointe à la santé alimentaire à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses).
Source : http://www.ladepeche.fr/article/2010/10/29/937560-Bisphenol-A-la-nouvelle-alerte-des-chercheurs-toulousains.html