OGM : des académiciens (anonymes) désavouent le Professeur Séralini

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rue89_logo-copie-4.gif        Publié le 21/10/2012 à 14h36

Benjamin Sourice
Journaliste pigiste

Les voies des académies scientifiques sont décidément bien mystérieuses. Dans un communiqué de presse [PDF] émis vendredi 19 octobre, les académies de science, médecine, pharmacie et leurs consœurs désavouent les travaux du Professeur Séralini sur le maïs GM NK603 et le Roundup.

Les académiciens annoncent :

« Les données présentées ne peuvent remettre en cause les études ayant conclu à l’innocuité sanitaire […] des plantes génétiquement modifiées. »

Ce nouvel avis d’experts n’apporte en soit pas d’éléments scientifiques nouveaux, mais porte un coup dur à la réputation du Professeur Séralini.

« Nos critiques portent sur la méthodologie et la déontologie », préciseJean-François Bach, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, indiquant également :

« Nous avons fait le choix de ne pas considérer dans l’immédiat la toxicité rénale et hépatique, mais de nous intéresser aux tumeurs qui sont au centre de l’intérêt médiatique apporté à cette étude. »

« Sollicitées par des académies étrangères »

Alors que l’expertise des académies n’a pas été demandée par l’Etat, Jean-François Bach raconte que la réflexion du groupe est partie de « discussions informelles » à la suite du « coup médiatique ».

Mais c’est après « avoir été sollicités par des académies étrangères dont les pays ont été impactés par la publication de l’étude » que les membres ont décidé de monter un groupe ad hoc à la composition tenue secrète pour rendre cet avis ponctuel.

Un manque de transparence que confirme au Nouvel ObservateurPaul Deheuvels, membre de l’Académie des sciences et statisticien ayant pris fait et cause pour le professeur Séralini :

« Un groupe d’experts a été convoqué en urgence, on ne sait par qui, on ne sait comment. Ces personnes ne peuvent prétendre à elles seules incarner l’avis du monde scientifique français. »

Jean-François Bach conteste cette version des faits, « chaque académie a mandaté des délégués » et le panel réuni sur la base des « compétences et de la multidisciplinarité », ce qui « inclut bien entendu des experts en biotechnologie ». Mais impossible d’obtenir la moindre référence…

Un anonymat bien arrangeant

Les experts en biologie végétale ne sont pourtant pas si nombreux au sein de ces académies, pourquoi ne pas vouloir révéler leurs noms ? De potentiels conflits d’intérêts à masquer ? Jean-François Bach répond :

« Il est très difficile de garantir une absence totale de conflits d’intérêts, je ne connais pas le CV de chaque personne. D’ailleurs, un spécialiste qui n’aurait jamais eu de lien avec l’industrie au long de sa carrière, ce serait inquiétant. Il ne faudrait pas éliminer des compétences pour ce motif. »

Ces messieurs de l’Académie auraient pu faire preuve d’un peu plus de courage aux vues des entailles portées à la réputation de Gilles-Eric Séralini, accusé d’« orchestrer sa notoriété » pour « répandre des peurs » auprès du « grand public »…

Des attaques non sans rappeler celles qui valurent à Marc Fellous et l’Association française de biotechnologie végétale une condamnation pour diffamation à l’encontre de Gilles-Eric Séralini en 2011. D’ailleurs, à cet égard, le comité de parrainage de cette association de promotion des OGM est très largement composé de membres des académies signataires.

Recontextualiser l’apport des académies

La violence des propos tenus contre Gilles-Eric Séralini rappelle à quel point il est nécessaire de contextualiser les travaux de ces académies aux positions souvent conservatrices et parfois hors de toute considération scientifique.

Ces instances sont de véritables arcanes où se mêlent sciences et politiques, et où les effets de groupes sont indissociables du mode d’élection par cooptation entre « pairs », ce qui entraîne bien des intrigues parmi ces chevaliers pas toujours si verts.

Des jeux d’influence qui peuvent mener au déni des évidences scientifiques les plus flagrantes. Dans un rapport de septembre 1994, l’Académie des sciences minimisait les risques des dioxines et indiquait qu’il serait « très souhaitable que soit évitée une réglementation excessivement contraignante » en la matière.

Trois ans plus tard, la dioxine est classée « cancérogènes pour l’homme » par l’Organisation mondiale de la santé.

En avril 1996, l’académie de médecine n’avait pas brillé non plus par sa clairvoyance sur la toxicité de l’amiante, allant même jusqu’à nier publiquement les risques sur la population de cette fibre hautement cancérigène.

Interrogé sur le sujet, Jean-François Bach reste lapidaire :

« Honnêtement, je pense que personne n’est à l’abri de se tromper. Il y a effectivement eu une sous-estimation des risques. »

On dit les académiciens « immortels », espérons que cette grâce touche un jour les pauvres cobayes que nous sommes…

Voir aussi : http://blogs.rue89.com/de-interet-conflit/2012/10/22/ogm-et-pesticides-il-faut-des-recherches-sur-les-effets-long-terme

Source : http://blogs.rue89.com/de-interet-conflit/2012/10/21/ogm-les-academies-scientifiques-desavouent-le-professeur-seralini

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